Bilan du patrimoine 2024 – Les plus grands sauvetages et pertes
En abordant vaillamment 2025, il est intéressant de faire le point sur l’année qui vient de s’écouler. Elle a été fatidique pour bien des lieux du patrimoine au Canada. Ne ratez pas notre résumé de certains des hauts et des bas de 2024.
Partagez vos idées sur les grands sauvetages ou les pires pertes ! Nous serions ravis de les recevoir. Veuillez les envoyer à cette adresse : cwiebe@fiducienationalecanada.ca, en indiquant « Grands sauvetages et pertes 2024 » dans l’objet du courriel.
Les plus grands sauvetages
Le village historique de Barkerville (Colombie-Britannique) a été sauvé du feu de forêt d’Antler Creek. Les pompiers ont utilisé des gicleurs, du matériel lourd et un « dôme d’humidité » pour lutter contre les flammes.
Des organisations autochtones du Manitoba s’activent pour sauver et réimaginer des immeubles patrimoniaux de Winnipeg, y compris l’ancien immeuble de la Compagnie de la Baie d’Hudson (Liste des lieux menacés [LLM] 2021) et l’ancien immeuble de la Banque de Montréal à l’angle des rues Portage et Main, dont s’occupent respectivement l’Organisation des chefs du Sud et la Fédération des Métis du Manitoba. La Nation crie de Fisher River s’est employée à réinventer l’immeuble Rubin (LLM 2019).
Photos: Kate Dalton
En Ontario, on a salué la restauration et la réouverture de la vieille maison du Conseil de la Première Nation des Mississaugas de Credit (concours Le Beau Sauvetage 2022) comme un pas vers la réconciliation. La maison était le siège de ce qui aurait été le premier conseil de bande formé en vertu de la Loi sur les Indiens (1876). Elle a servi à la gouvernance des Anishinaabe de la grande région du Golden Horseshoe pendant plus de 100 ans.
Le village et lieu de villégiature Edelweiss (Golden [Colombie-Britannique]) (LLM 2022) a bénéficié d’une inspirante collaboration public-privé formée pour sauver la base de guides suisses qui jouaient un rôle essentiel à la pratique de l’alpinisme dans le Rocheuses au début du 20e siècle.
Après des années de débats sur l’opportunité de construire un nouveau musée dans un nouveau lieu, l’historique Musée du Nouveau-Brunswick (1934), à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick) sera restauré et sensiblement agrandi. Tout au contraire, l’ancien immeuble du Musée royal de l’Alberta (Edmonton) (LLM 2016) est maintenant en voie d’être remblayé.
Le 1945, chemin Heron (Ottawa) est un saisissant complexe moderne du milieu du siècle qui appartenait jadis au gouvernement fédéral. Il a reçu une désignation patrimoniale, et il fait l’objet d’un ambitieux projet de réutilisation et d’aménagement intercalaire à vocation résidentielle, sous l’égide de la Société immobilière du Canada. De même, l’immense Institut de Memramcook, à Moncton, sera mis en valeur après être resté vide pendant une décennie. L’immeuble est un important symbole de la résilience des Acadiens.
L’église patrimoniale Our Lady of Mercy (Port au Port [Terre-Neuve]), qui a gagné au concours Le Beau Sauvetage de 2024, a fière allure maintenant que son extérieur a été entièrement restauré. La Vieille Maison (Meteghan [Nouvelle-Écosse]) (lauréate au concours Le Beau Sauvetage 2022) a été construite en 1796. Elle a entamé une nouvelle vie comme musée, et accueilli un vaste public international lors du Congrès mondial acadien tenu en Nouvelle-Écosse à l’été 2024.
Des travaux de restauration ont été entamés au théâtre Roxy (Coleman [Alberta]) (concours Le Beau Sauvetage 2024), rare exemple de théâtre et lieu de rencontre communautaire de style hutte Quonset qui avait ouvert en 1948. À Regina (Saskatchewan), le théâtre Globe, qui avait déménagé dans l’ancien bureau de poste de Regina en 1981, a rouvert ses portes en grande pompe à l’issue d’une rénovation éblouissante qui a exigé quatre ans de travaux. À Montréal, le restaurant Le 9e, au 9e étage de l’ancien magasin Eaton de style art déco, a repris vie après une restauration spectaculaire de la réplique de 1931 de la salle à manger du paquebot Île-de-France.
Dans l’année écoulée, une liste inspirante d’immeubles du patrimoine ont été transformés en lieux communautaires. L’historique gare ferroviaire de Hope (Colombie-Britannique) (lauréate au concours Le Beau Sauvetage 2022), lieu de conscience associé à l’internement de Canadiens d’origine japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale, a été déplacée dans un nouveau lieu. Elle y sera un musée et centre d’accueil des visiteurs. À Calgary (Alberta), l’école Riverside Bungalow deviendra un centre de la petite enfance après être restée vide pendant 15 ans. À Hamilton (Ontario), l’ancienne église anglicane St. Mark est devenue un centre communautaire des arts et de la culture, au milieu d’un espace vert dans le quartier urbain Durand. À Montréal, l’organisation Chez Doris a acheté l’historique Résidence Fulford (1854) pour y fournir un refuge et des services aux femmes en situation d’itinérance.
Des organismes voués à la préservation des élévateurs à grains en bois de l’Alberta, comme le Canadian Grain Elevator Discovery Centre (concours Le Beau Sauvetage 2024) et la Spruce Grove and District Agricultural Heritage Society, suivent l’exemple de la Sexsmith & District Museum Society, qui a gagné des prix pour sa façon de mobiliser des appuis afin de restaurer ses immenses silos.
À Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), une station-service de style cottage avec tourelles datant de 1920 – qui aurait été la première station-service de la province – deviendra un poste de recharge pour VE.
Dans le domaine des lois et des politiques sur le patrimoine, l’organisme Architectural Conservancy Ontario (ACO) a si bien milité que le gouvernement de l’Ontario a prolongé de deux ans le délai accordé aux municipalités pour protéger des biens du patrimoine reconnus (LLM 2022), le reportant au 1er janvier 2027.
Divers prix et honneurs ont été octroyés à des artisans de la conservation du patrimoine au Canada, y compris la nomination à l’Ordre du Canada pour Shannon Prince (conservatrice de longue date au musée et lieu historique national de Buxton) et la Médaille du couronnement du roi Charles III pour l’architecte du patrimoine Christopher Borgal.
Un nouveau groupe communautaire dirigé par des femmes, l’Association Sainte-Marie héritage et développement, prend l’initiative des efforts en vue de sauver la plus grande église en bois d’Amérique du Nord. L’église Sainte-Marie (LLM 2024) de Church Point est aussi un monument emblématique des Acadiens en Nouvelle-Écosse.
Dans la petite communauté de Brigus, à Terre-Neuve, la maison Fowler a été méticuleusement restaurée par Stephen et Stacy Burfitt – si bien que le Newfoundland & Labrador Historic Trust lui a décerné un prix.
Les plus grandes pertes
Le feu a causé la perte de plusieurs lieux historiques l’année passée. Le cas du Hangar 11, à Edmonton (Alberta), est particulièrement tragique. La célèbre relique de la Deuxième Guerre mondiale était sur le point de profiter d’un projet de réutilisation adaptée fruit d’années d’efforts, quand il a été ravagé par un immense incendie. D’autres grandes pertes sont à déplorer, comme l’église anglicane St. Anne de 1928 (Toronto), immeuble historique orné d’œuvres murales exceptionnelles du Groupe des Sept, et l’historique église catholique Notre-Dame-des-Sept-Allégresses (Trois-Rivières [Québec]), victime d’un incendie criminel (selon certains rapports, jusqu’à 80 églises ont été détruites par le feu au Québec ces dernières années). À Meteghan (Nouvelle-Écosse) le musée du moulin Bangor, une scierie à turbine hydraulique du 19e siècle, a été rasé par les flammes. À Montréal, où on estime que 800 immeubles sont laissés à l’abandon, plusieurs biens historiques ont été victimes d’une série d’incendies au printemps. Ensuite le 30 décembre, un feu a détruit la célèbre résidence montréalaise de l’artiste Charles Daudelin, un immeuble moderniste construit en 1951. Daudelin était une grande personnalité de l’art public au Québec.
Au parc Gore du centre-ville d’Hamilton (Ontario), les 18-22 et 24-28, rue King Est, remarquables immeubles des années 1870, se sont littéralement effondrés spontanément après s’être détériorés pendant des années. Pourtant, le conseil municipal avait décidé de les protéger de la démolition en 2013 (LLM 2013).
L’historique fonderie Dominion (fonderie Enterprise), datant de 1872, jadis la plus importante industrie de Sackville (Nouveau-Brunswick), a été remblayée. Elle était restée à l’abandon à la suite d’un incendie survenu en 2012. Également au Nouveau-Brunswick, la résidence du célèbre pionnier canadien de l’aviation Wallace Rupert Turnbull, à Rothesay, a été rasée en novembre alors qu’elle était bien préservée.
L’ancien couvent catholique devenu Centre du patrimoine de la rivière Raisin (à Saint Andrews West [Ontario]), près de Cornwall, avait été sauvé en 1978. Il a été démoli après des années d’amers débats au sujet de sa préservation.
En Nouvelle-Écosse, une équipe de l’Université Saint Mary’s dirigée par le Pr Jonathan Fowler a constaté que sur 9000 immeubles construits avant 1878 à Halifax, seuls 1143 ont survécu, et à peine 381 sont désignés comme biens du patrimoine.
À Terre-Neuve-et-Labrador, l’évolution des conditions météo, les ouragans et l’érosion côtière dégradent les structures de pêche traditionnelles, entraînant de plus en plus de pertes. Encore cet hiver, de nombreux chafauds de pêche ont disparu, y compris celui de Gary Ganes à New Bonaventure. D’autres ont été endommagés à Tilting, paysage culturel de renommée nationale.