D’où vient leur importance?
L’annonce faite en février par l’Université de l’Alberta de la démolition imminente de quatre maisons historiques qualifiées de « Ring Houses » a suscité un tollé dans la population en général, alors qu’une pétition circulait pour demander à l’université de sauver les maisons a recueilli des milliers de signatures.
Construites entre 1911 et 1914, les quatre Ring Houses font partie des immeubles les plus anciens de l’Université de l’Alberta et présentent une importance considérable sur les plans contextuel, historique et social pour des générations d’étudiants et d’employés de l’université ainsi que pour les résidents d’Edmonton. Faisant partie à l’origine d’un groupe de 10 maisons regroupées pour former un « cercle » dans le coin nord-ouest du campus, les maisons en briques à deux étages de style édouardien ont été construites pour loger la faculté. Elles ont été conçues par Cecil Scott Burgess, la première (et unique) professeure d’architecture de l’université. La première Ring House (1911) – qui est le deuxième bâtiment le plus ancien de l’Université de l’Alberta – a servi de demeure à cinq présidents de cette université entre 1912 et 1959. Les trois autres ont également joué un rôle important.
En plus de leur valeur historique, ces bâtiments fonctionnels et dotés d’une structure solide renferment des matériaux durables et irremplaçables incluant du vieux bois d’œuvre. Étant un chef de file de la recherche sur la séquestration du carbone, l’Université de l’Alberta a eu l’occasion de servir d’exemple pour les autres établissements d’enseignement postsecondaires, et pour les Canadiens en général, par la gestion durable de ses biens immobiliers actuels qui, pourrait-on prétendre, représentent le plus important bien de consommation de la société.
Pour quelle raison sont-elles en danger?
En février 2021, l’Université de l’Alberta annonçait qu’on avait évacué les Ring Houses de leurs occupants en prévision de leur démolition en mai 2021. Le responsable de la stratégie de gestion intégrée des biens de l’Université a expliqué que « les Ring Houses ne répondent plus aux besoins de l’institution dans le domaine de l’enseignement ou de la recherche et qu’elles présentent des coûts d’entretien très élevés et des obstacles sur le plan de l’accessibilité. » En réaction au tollé public, l’Université de l’Alberta a offert de vendre chacun des bâtiments pour la somme de 1 $ à la condition que les acheteurs assument les coûts de leur déménagement. Elle a cependant entrepris de vendre les éléments intérieurs au plus haut soumissionnaire. Un groupe ad hoc de défense du patrimoine a demandé qu’on retarde la démolition de ces maisons jusqu’en mars 2022 afin qu’on ait le temps d’explorer les options quant à leur préservation et leur réutilisation.
On craint de plus en plus que d’autres structures plus anciennes de l’Université de l’Alberta tombent sous le pic des démolisseurs, en particulier si on tient compte des coupures effectuées récemment au financement que la province verse à l’institution, coupures qui atteignaient 170 millions de dollars au cours des deux dernières années. En novembre 2019, on a détruit la maison des anciens située près des Ring Houses et on a proposé d’en démolir plusieurs autres, comme les bâtiments de l’administration et des sciences humaines, dans le cadre d’une stratégie visant à diminuer les coûts de l’entretien différé.
Que doit-on changer?
L’annonce de la démolition par l’Université de l’Alberta met en lumière les défis systémiques qui guettent les bâtiments patrimoniaux sur les campus postsecondaires partout au Canada. L’Alberta est la seule des provinces canadiennes qui possède des lois interdisant de désigner les bâtiments sur les campus postsecondaires de patrimoniaux – et ce, tant au niveau provincial que municipal. Cela signifie qu’il n’existe présentement aucun mécanisme permettant d’évaluer et de protéger la valeur communautaire de ces biens patrimoniaux publics.
La Fiducie nationale croit que le Canada doit se doter de politiques et de lois visant à promouvoir la conservation et la réutilisation des bâtiments actuels parce qu’il est essentiel de s’attaquer à la crise du climat. La réutilisation et la modernisation des bâtiments actuels – plutôt que de leur démolition et leur remplacement par des bâtiments neufs même s’ils sont « verts » et écoénergétiques – auraient un impact immédiat et à long terme sur l’atteinte des cibles d’émissions de GES par le Canada. Malgré tout, les obstacles à la réutilisation restent nombreux. Des politiques qui favorisent une réutilisation des bâtiments motiveraient les chercheurs, les industries et les établissements d’études supérieures, comme l’Université de l’Alberta, à exploiter les biens sur leur campus comme une forme productive d’action climatique.