Retracer un site à l’héritage difficile

Documenter le Pensionnat de Muskowekwan

Un montage de la façade du bâtiment présentement et celle du passé.

En 2018, la Fiducie nationale du Canada a inclus dans son palmarès des dix sites les plus menacés le Pensionnat de Muskowekwan.[1] Depuis, la Première nation Muskowekwan a manifesté l’intention de réhabiliter le bâtiment (actuellement vacant) pour en faire un monument commémoratif et des archives. Le but du projet de réhabilitation est de favoriser une guérison et une réconciliation qui reflète l’héritage difficile du Pensionnat.

Bien que le Pensionnat de Muskowekwan ait débuté ses activités dans les années 1880,[2] le bâtiment scolaire actuel n’a été construit qu’en 1930, après qu’un feu ait endommagé la structure initiale. Le bâtiment scolaire a été dessiné dans le style gothique collégial; les caractéristiques de ce style se remarquent au niveau de l’arcade de style Tudor et des ornements en pierre sur la façade. Au-delà du bâtiment lui-même, les environs immédiats sont imprégnés d’histoire. Une allée centrale, qui mène aux marches de l’entrée principale, est bordée de rangées d’ormes qui contrastent avec le paysage d’herbes des prairies et de milieux humides. La conseillère de bande Cynthia Desjarlais rapporte que des élèves de l’école ont planté ces arbres il y a environ quatre-vingt ans. À l’arrière du bâtiment principal se trouvait une patinoire de hockey dont l’empreinte est encore visible sur le site.

Cartographie de la typologie de l’école à travers le Dominion du Canada dans la première moitié du 20e siècle

En partenariat avec la Fiducie nationale du Canada et la Première nation Muskowekwan, une équipe du laboratoire de recherche du Carleton Immersive Media Studio (CIMS)[3] à l’Université de Carleton a entrepris de documenter les conditions actuelles du site du Pensionnat de Muskowekwan. Ce projet était sous la direction de M. Stephen Fai, en concertation avec la conseillère de bande Cynthia Desjarlais.

Le Conseil de bande Muskowekwan a accordé la permission d’effectuer des recherches sur le site à l’aide d’une caméra laser à balayage qui permet de prendre des photographies en 3D (une technique connue sous le nom de « nuage de points »). Le contour et les textures des éléments caractéristiques et des détails architecturaux les plus complexes ont aussi été photographiés en recourant à la photogrammétrie afin d’enregistrer sous forme numérique un niveau de détail encore plus élevé.

En plus du bâtiment scolaire, le terrain et la topographie environnante sont eux aussi essentiels à la compréhension de l’héritage du Pensionnat; ils ont également été photographiés à l’aide d’un balayage laser. Au laboratoire de recherche, des centaines de balayages et de photographies 3D ont été combinés à l’aide du modeleur d’AutoDesk nommé Revit pour produire un modèle numérique complet extrêmement précis du bâtiment et du terrain du Pensionnat de Muskowekwan. Ce type de méthode est appelé « modélisation de l’information sur le bâtiment » (en anglais « Building Information Model » ou « BIM »); cette ressource est relativement nouvelle dans le domaine de la conservation du patrimoine. Les applications BIM sont adoptées dans l’industrie du bâtiment comme outils de communication interdisciplinaires et versatiles puisqu’elles permettent de rassembler divers types de données de manière cohérente et centralisée.

 

Une vue en perspective des données de nuage de points collectées

Ce projet de documentation aidera la Première nation Muskowekwan à poursuivre son travail dans le but de réhabiliter l’école. Le modèle BIM en 3D pourrait servir de plate-forme pour des usages futurs par divers utilisateurs dans le secteur, dans la communauté et dans le public en général : cet instrument pourra permettre d’immortaliser et d’expliquer l’histoire du Pensionnat de Muskowekwan tout comme de planifier son utilisation future.

 

Toutes les images proviennent des auteures.


[1] https://nationaltrustcanada.ca/fr/ce-que-nous-offrons/palmares-des-10-sites-les-plus-menaces

[2] Centre national pour la vérité et la réconciliation : https://nctr.ca/fr/map.php

[3] Carleton Immersive Media Studio (2002 – 2019), financé par une subvention de partenariat du CRSH – Nouveau paradigme / nouveaux outils de conservation de l’architecture au Canada.