Survivante: Un nouveau chapitre pour la Maison Louis-Hippolyte LaFontaine
Il y a quelques mois à peine, il aurait été facile de croire que les marques de balles sur l’édifice étaient des dommages récents. Entre les graffitis et les fenêtres barricadées, les coups de feu, vieux de 170 ans, ne détonnaient pas du tout de la façade amochée de la Maison Louis-Hippolyte LaFontaine.
Depuis plus de 30 ans, le bâtiment montréalais témoin de moments essentiels de l’histoire était abandonné et habité uniquement par des squatteurs. Après une saga de plusieurs décennies, le 1395 avenue Overdale a enfin été restaurée.
Récemment achetée par une société immobilière, la maison a retrouvé son aspect néoclassique de 1846 et attend de nouveaux résidents (difficile de surpasser le premier). Elle a été construite pour Louis-Hippolyte LaFontaine, le premier Canadien à devenir premier ministre du Canada-Uni et la première tête dirigeante d’un gouvernement responsable au Canada. En 1849, le bâtiment s’est retrouvé au cœur de l’action, recevant les balles d’une émeute de Canadiens anglais juste après qu’ils aient incendié les édifices du Parlement de Montréal.
Aux dires de John Ralston Saul, auteur de Louis-Hippolyte LaFontaine & Robert Baldwin, l’immeuble a été le théâtre de la majorité de la planification démocratique canadienne. « Il s’agit du seul bâtiment important qui reste parmi tous ceux au cœur de la démocratisation du Canada », déclara-t-il au National Post en 2015.
Située dans le quartier de l’îlot Overdale, la Maison LaFontaine est également la dernière restante d’un ensemble de résidences historiques victoriennes construites au milieu des années 1800. Les professionnels du patrimoine se souviennent encore de la destruction du quartier en 1987.
« C’était complètement rasé », a dit Marc Pagliarulo-Beauchemin, Coordonnateur de communication et stratégie médias pour Héritage Montréal. « Seulement la Maison LaFontaine a été gardée intacte, mais a été laissée un peu à l’abandon », a-t-il ajouté.
Bien qu’il soit protégé, le bâtiment est resté vide pendant plus de trente ans ; l’intérieur est soutenu par une structure en métal et l’extérieur est de plus en plus vandalisé. Le bâtiment figurait au Palmarès des 10 sites les plus menacés de la Fiducie nationale du Canada en 2006-2007, et sur la liste d’Héritage Montréal en 2006 et en 2010.
Malgré les nombreuses propositions pour le site, ce n’est qu’en 2011 que la propriété est achetée par la YUL Condominiums, dirigé par la société de développement immobilier Groupe Brivia, afin d’y développer des copropriétés. L’entente d’achat demandait que l’extérieur de la Maison LaFontaine soit restauré et protégé.
« La Maison LaFontaine était le point de départ du grand projet de développent de l’Îlot Overdale », a dit Anik Shooner, l’architecte principale du programme de préservation. « Selon moi, ça donne une valeur très humaine et montréalaise. Ça donne un sens d’appartenance à quelque chose de plus grand », a-t-elle ajouté.
Shooner et d’autres experts du patrimoine ont pris la décision de remettre le bâtiment dans son état initial du XIXe siècle. En plus de supprimer le faux toit mansardé ajouté au début des années 1900, cela implique de numéroter et de démonter minutieusement la façade afin de préserver son authenticité.
« Il était extrêmement important de conserver le mur de pierre de la façade principale. Il y a des coups de balles dans les pierres, de quand les gens voulaient assassiner Louis-Hippolyte LaFontaine », a dit Shooner. « Ce n’est pas facile, parce qu’on n’avait pas beaucoup de documentation historique ou de photos », a-t-elle ajouté.
L’équipe a mené des recherches approfondies pour s’assurer que le bâtiment correspond aux normes historiques. En revanche, elle voulait voir que le style des années 1840 se reflète davantage, outre l’édifice du patrimoine en soi. Selon Shooner, les carreaux gris des nouvelles maisons de ville voisines refléteront la maçonnerie de la Maison. En plus, cela donnera un peu plus d’espace à la vieille demeure.
« Heureusement, le développeur a accepté de laisser du terrain libre autour du bâtiment, alors la maison n’est pas coincée entre les nouvelles constructions », a dit Shooner. « On va même recréer un verger autour de la maison, pour faire un appel au fait que la maison était entourée d’un verger », ajouta-t-elle.
Presque entièrement restauré, le site attend maintenant ses prochains résidents. Un centre éducatif historique, un bureau ou une propriété résidentielle, toutes sont des propositions qui ont été faites. Quant aux personnes impliquées dans la nouvelle utilité de l’immeuble, ce n’est pas le temps de ralentir… ça ne fait que commencer.
« Il faut qu’on s’assure collectivement que ce bâtiment-là va être habité par un projet quelconque, pour ne pas que ça recommence », a dit Pagliarulo-Beauchemin. « La première étape est un succès — maintenant il reste à trouver une vocation qui soit digne de sa signification historique ».