Quand une pandémie mène à la préservation du patrimoine : Le SRAS a déclenché la revitalisation du District de la distillerie à Toronto

Le District de la distillerie est peut-être devenu la destination la plus emblématique de Toronto, mais il doit sa renaissance à un invraisemblable concours de circonstances : l’épidémie de SRAS de 2003 et la mise à pied subite des travailleurs de l’industrie cinématographique de la ville. À l’heure où le Canada compte sur des outils économiques pour aider à la relance après la pandémie de COVID-19, les décideurs devraient considérer les leçons à dégager du renouveau du District de la distillerie : des projets de revitalisation du patrimoine mettent à contribution une vaste main-d’œuvre, et qui apportent des avantages durables.

Quand la distillerie Gooderham and Worts a fermé les portes en 1990 après 150 ans d’activité, il en est resté, intact, un des plus anciens complexes industriels d’Amérique du Nord. Les cinéastes en ont profité : entre 1990 et 2003, plus de 900 films seront tournés dans ce décor avec ses bâtiments de brique richement patinée. Ce sera le plus important lieu de tournage nord-américain en dehors de Hollywood. En décembre 2001, la société Cityscape Development fait l’acquisition du vaste complexe. Au fil des ans, divers projets immobiliers classiques avaient échoué. Cityscape savait donc qu’elle devrait aborder le renouveau de façon graduelle, à la pièce. « Nous avons rapidement déterminé que si nous tentions de mettre le site en valeur de la façon habituelle – engager des consultants, dresser un plan directeur, préparer des plans détaillés, émettre des appels d’offres pour les entrepreneurs – nous n’allions pas tenir le coup, dit l’associé de Cityscape Jamie Goad. Nous avons compris que nous devions faire le travail nous-mêmes, et faire preuve de souplesse. Le fait d’avoir un budget limité favorise la conservation, parce vous devez réellement être créatifs et viser l’intervention minimale. »

Les travaux ont débuté à la mi-2002, d’abord dans des immeubles qui pouvaient rapidement et aisément devenir des locaux à louer pour des galeries d’art, des théâtres et d’autres activités du domaine de la création. Le projet a bénéficié d’un apport bienvenu de main-d’œuvre qualifiée quand l’épidémie de SRAS s’est propagée à Toronto en février 2003, entraînant abruptement l’arrêt des activités cinématographique dans la ville. « Tout à coup, dit M. Goad, tous ces directeurs artistiques et charpentiers exceptionnellement talentueux qui construisaient depuis des années les plateaux des films tournés dans le district et connaissaient bien les lieux étaient au chômage. » Cityscape les a mis à l’ouvrage, à réhabiliter les intérieurs ou à refaire des centaines de fenêtres et portes historiques, en utilisant des techniques patrimoniales. Un moment, cet hiver-là, Cityscape employait plus de 400 ouvriers, à raison de trois quarts de travail, 24 heures par jour. Le complexe Gooderham and Worts a été rouvert le 23 mai 2003, étant devenu le District de la distillerie. Peu après, la plupart de ces travailleurs sont retournés au cinéma, et ils ont exprimé leur bonheur d’avoir pu œuvrer à ce prestigieux site du patrimoine. « Ils ont adoré y travailler, dit M. Goad. C’était réellement très précieux pour tant d’eux, et tout autant pour nous! Nous sommes les gardiens de ce site important, plutôt que simplement les propriétaires. »

Aujourd’hui, le Canada est à la recherche de projets prêts à démarrer pour relancer l’économie nationale après la pandémie. C’est le moment de penser à des travaux de réhabilitation du patrimoine comme ceux réalisés au District de la distillerie. Les données ne cessent de confirmer que la réhabilitation d’immeubles du patrimoine crée plus d’emplois que la nouvelle construction : on estime que ce serait au-delà de 21 % de plus. Mais en outre, la réhabilitation du patrimoine est foncièrement importante. Elle nous aide à sauver les lieux les plus précieux du Canada, et elle crée les lieux de rencontre emblématiques de demain.