Le directeur du Centre national pour la vérité et la réconciliation perçoit un dynamisme nouveau à l’échelle nationale au niveau de la préservation des pensionnats et des cimetières

Il y a quatre ans, la Commission de vérité et réconciliation du Canada déposait son rapport sur l’histoire et l’héritage du système des pensionnats au Canada. Cependant, le processus ne s’est pas terminé en 2015. Le rapport énumère quatre-vingt-quatorze appels à l’action; ceux-ci couvrent des enjeux tels que la protection de l’enfance, la santé et la justice, et pressent le gouvernement de faire le nécessaire pour réparer le tort causé par les pensionnats et faciliter la réconciliation.

Les vestiges des pensionnats – un programme d’assimilation, créé par le gouvernement fédéral et dirigé par l’Église, qui a duré un siècle et qui n’a pris fin que dans les années 1990 – sont encore présents dans le patrimoine bâti et les paysages du pays. C’est maintenant aux communautés touchées à décider du sort de ces vestiges. Parmi les quatre-vingt-quatorze appels à l’action qui apparaissent dans le rapport, l’appel à l’action 79(3) exhorte le gouvernement fédéral à développer et à mettre en œuvre (en collaboration avec des organisations autochtones, du patrimoine et des survivants) un plan et une stratégie du patrimoine national afin de commémorer ces lieux. Un homme se trouve dans une position particulière pour voir cet appel à l’action – ainsi que d’autres – se concrétiser.

« Ma participation est spéciale parce que j’ai lu énormément, j’ai entendu tellement d’histoires », dit Ry Moran, directeur du Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR). Le CNVR héberge maintenant tous les énoncés, les documents et les autres textes rassemblés par la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Auparavant, Moran était directeur de la Consignation des déclarations pour la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Dans le cadre de cet emploi, il a recueilli plus de 7 000 témoignages de pensionnaires et d’autres personnes touchées par les pensionnats. Ces déclarations, extrêmement personnelles, ont eu un impact sur la manière dont Moran (lui-même Métis) conçoit maintenant ces édifices.

« Visiter ces sites rend l’histoire beaucoup plus “vraie”. Les histoires à propos de ce qui s’est passé dans la cuisine ou dans le dortoir deviennent beaucoup plus viscérales. »

Il s’agit d’un des principaux objectifs de Moran : rendre cette histoire réelle pour les Canadiens. La rendre moins abstraite et plus tangible, d’après Moran, est crucial pour sensibiliser les Canadiens à la réalité des pensionnats. L’enjeu actuel est de décider de l’avenir de ces structures. Des cent trente-neuf structures bâties, seulement seize existent encore.

« Il y a un consensus relativement large quant à la nécessité de préserver les pensionnats dont il reste des vestiges », dit Moran. En lien avec ces établissements, dit-il, des centres d’apprentissage et de guérison ont été créés. C’est le cas au Indian Residential School Museum of Canada de la Première Nation Long Plain à Portage la Prairie au Manitoba, au Pensionnat de Muskowequan de la Première Nation Muskowequan à Lestock au Saskatchewan, au site historique de Mohawk Institute Indian Residential School de la réserve des Six Nations à Brantford en Ontario, et au Shingwauk Residential Schools Centre à l’Université d’Algoma à Sault-Sainte-Marie.

Moran mentionne qu’une communauté qui souhaite que l’héritage historique d’un site soit reconnu doit, pour ce faire, développer un plan d’affaires. Ce plan doit démontrer la viabilité de la création d’un musée ou d’archives, supporter la numérisation de contenu et identifier des mécanismes pour améliorer la compréhension des visiteurs. Moran demande aux gouvernements de donner aux communautés le pouvoir d’action nécessaire et de les appuyer dans le processus.

« Les communautés doivent pouvoir décider du chemin qu’elles suivront, dit Moran. Les gouvernements et d’autres organismes doivent développer des programmes de financement accessibles qui permettent aux communautés de poursuivre cette voie. C’est difficile : les communautés ont besoin de soutien tout au long du processus. »

Cependant, les édifices ne sont pas les seuls sites qui témoignent de l’héritage des pensionnats : il y a aussi des cimetières. Les enfants qui sont décédés dans les pensionnats ont été enterrés dans des cimetières avoisinants; ces enterrements sont très peu documentés.

« Nous ne savons même pas où plusieurs d’entre eux se trouvent. Nous devons les trouver, ce qui représente beaucoup de travail, dit Moran. Ensuite, nous devons faire de notre mieux pour identifier qui se trouve dans ces cimetières, un travail qui demande beaucoup de délicatesse. »

Moran mentionne qu’il s’agit de l’étape la plus difficile – une étape qui suscite plus de questions qu’elle ne fournit de réponses. Que faire de cet endroit? Que veut en faire la communauté? Les réponses à ces questions ne peuvent pas venir de l’extérieur, affirme Moran; elles doivent venir des communautés.

À propos de sa fonction, Moran admet qu’il s’agit d’une grande responsabilité. Il connaît l’importance de reconnaître l’héritage laissé par les pensionnats – et il ne cherche pas à éviter le chemin qui devra être parcouru.

« Beaucoup de travail devra être accompli au cours des dix à quinze prochaines années afin de pleinement protéger et rendre hommage à ces sites et reconnaître leur potentiel pour une sensibilisation à long terme », dit Moran.

« D’un océan à l’autre, les peuples autochtones demandent depuis longtemps, de façon continue, que les espaces naturels et les lieux ayant une valeur traditionnelle soient protégés et préservés. Il est crucial de protéger et de préserver ces endroits. »

 

Crédit photographique : Centre national pour la vérité et la réconciliation