L’aspect social de la réutilisation adaptée
Habituellement, les organismes sans but lucratif offrant des services tels que refuge, repas et counselling s’établissent dans des immeubles qui répondent à leurs besoins pratiques : espace, fonctionnalité et emplacement. Parfois, ces besoins semblent exiger un immeuble de construction récente. Dans certains cas pourtant, des organisations communautaires trouvent des façons créatives non seulement de réutiliser des bâtiments plus anciens, mais aussi de mettre en valeur leur caractère, leur histoire et leurs origines.
Les retombées sociales de projets de réhabilitation du patrimoine vont bien au-delà des murs d’un immeuble. Les exemples ci-dessous montrent comment des organismes sans but lucratif ont reconnu le potentiel de tels immeubles tout en s’acquittant de l’intégrité de leur mission.
541 Eatery & Exchange – Hamilton (Ontario)
La solide structure édouardienne qu’occupe l’établissement 541 Eatery & Exchange servait jadis à des opérations financières. Aujourd’hui, les transactions qui se négocient dans cette ancienne banque historique concernent plutôt des boutons, des repas et des relations communautaires. L’immeuble est situé rue Barton Est, dans un secteur économiquement défavorisé de Hamilton. Le groupe Compass Point Bible Church, de Burlington, y tient un café au service d’une population qui a besoin d’accès à une alimentation saine. Une personne dans le besoin peut utiliser jusqu’a cinq boutons par jour, comptant comme 5 $, pour un repas santé. Ceux qui ont un peu de monnaie peuvent acheter un bouton ou deux pour regarnir le pot de boutons dans lequel puisent ceux qui n’en ont pas, créant ainsi un fonds renouvelable pour des repas.
541 travaille aussi en partenariat avec d’autres acteurs de la communauté du grand Hamilton, comme le programme de soins infirmiers de l’Université McMaster, pour fournir des soins de santé aux clients qui n’ont pas accès à des soins primaires. Ce modèle innovateur d’échange et d’action communautaire est au cœur de l’entreprise sociale. Il convient à merveille à un immeuble historique de distinction qui avait besoin d’une nouvelle vocation.
« Le fait que l’immeuble est là depuis 1907 apporte une certaine solennité à notre projet fou, dit la directrice générale de 541, Sue Carr. Exploiter dans une ancienne banque un café sans but lucratif ouvert à tous quelles que soient leur richesse ou leur situation sociale, voilà qui est délicieusement ironique. Comme immeuble bancaire, il a un air de permanence et d’importance, et son histoire remonte au temps où la rue Barton faisait partie du centre vital de Hamilton. »
Watson House – Vancouver (Colombie-Britannique)
Le logement Watson House, situé dans le quartier Mole Hill de l’ouest de Vancouver, est le fruit d’un partenariat entre les organismes Coast Mental Health et Mole Hill Community Housing Society. Mole Hill compte plus de 30 demeures construites entre 1888 et 1942, dont bon nombre ont été achetées par la Ville de Vancouver dans les années 1950 et devaient être démolies. Après que des membres de la communauté et des organisations de promotion du patrimoine, dont la Fiducie nationale, ont milité pour qu’on y aménage des logements abordables au lieu de les démolir, 28 des maisons achetées par la Ville ont été transformées en logements sociaux. Intégrée à la communauté de Mole Hill, Watson House offre du logement avec services d’aide à l’autonomie pour des jeunes qui viennent de recevoir un diagnostic de maladie mentale.
À Vancouver, où les maisons patrimoniales sont de plus en plus menacées de démolition pour être remplacées par de nouvelles constructions, ce projet a préservé un bijou du parc de maisons historiques de la ville. En même temps, il a fourni une solution de logement sûre et stable pour des jeunes à risque.
e PDG de Coast Mental Health, Darrell Burnham, explique que le projet Watson House est né en réponse à un appel de propositions de la Ville de Vancouver, visant un service communautaire qui serait offert dans la maison. M. Burnham précise que le caractère de la maison contribue à la mission de Coast Mental Health. Construite en 1897, elle est typique des demeures de l’ère victorienne à Vancouver, mais son histoire n’est pas typique. En 1986, elle a été donnée à la Ville contre 1 $, à la condition qu’elle soit déplacée pour l’épargner de la démolition. Tenant parole, la Ville a déplacé la maison de son site d’origine sur la rue Thurlow à son emplacement actuel sur la rue Pendrell.
« Elle a un caractère bien trempé et un historique, et elle cadre bien avec le secteur de Mole Hill, dit-il. Ce caractère aide à l’accueil initial de nouveaux patients. C’est très important. Si un établissement ressemble à une maison, s’il est captivant et s’il est spécial, les gens voudront y vivre. La nature de l’établissement contribue à son succès. »
Catapult Construction – Saint John (Nouveau-Brunswick)
Pour les travailleurs de l’entreprise Catapult Construction à Saint John, travailler à des maisons du patrimoine est plus qu’un moyen d’acquérir de nouvelles compétences. C’est aussi un lien à la communauté et une source de fierté.
Catapult Construction est une émanation de l’organisme Outflow Ministry de Saint John. Les bénéfices qu’elle réalise servent à financer le refuge pour hommes et les programmes alimentaires de l’organisme. Elle offre aussi une expérience de travail intéressante et de la formation spécialisée à des personnes qui font face à des obstacles à l’emploi. Les projets de réhabilitation de Catapult font revivre à la fois des immeubles et les travailleurs, qui se découvrent de nouveaux talents et de nouvelles passions.
Pour le directeur général d’Outflow, Jayme Hill, les projets patrimoniaux matérialisent la mission de l’organisme. Les forces motrices des projets sont la valeur de la rédemption et le renouveau de l’espoir « grâce à un travail qui fait revivre quelqu’un, ou quelque chose », dit-il.
Dans sa première année d’activité, Catapult a reçu des louanges pour la conservation de la façade d’un immeuble résidentiel et la remise en état d’une maison du patrimoine sur l’historique avenue Douglas de Saint John – un paysage urbain historique protégé, avec ses maisons historiques désignées de style italianisant ou reine-Anne. Ce projet a gagné un prix du patrimoine de la Ville de Saint John.
Centre d’immigration – Edmonton (Alberta)
Le Centre d’immigration d’Edmonton, dessiné par l’architecte du gouvernement fédéral T.W. Fuller et inauguré en 1930, a été la première destination de nombreux immigrants en route vers le nord de l’Alberta dans la foulée de la Deuxième Guerre mondiale. Cet élégant immeuble en briques de style néoclassique figurait en 2015 au Palmarès des 10 sites les plus menacés, établi par la Fiducie nationale du Canada. Depuis lors, il a été transformé en complexe de logements de transition et logements abordables pour personnes ayant besoin de services de soutien. Grâce à une collaboration entre trois ordres de gouvernement et l’organisme Hope Mission, le Centre d’immigration a été réimaginé en rappelant sa fonction d’origine comme lieu d’accueil pour des populations en quête d’une vie meilleure. Ainsi un important édifice d’Edmonton a été préservé alors qu’il était devenu la cible fréquente de vandalisme.
Pour Robyn Padanyi, de Hope Mission, la transformation du Centre d’immigration fait en sorte que l’immeuble historique reste fidèle à sa vocation : « Il accueillait de courageux arrivants. Pour ceux qui n’avaient rien, il offrait un refuge et de l’espoir en vue d’un nouveau début. Et maintenant, il offre de nouveau à des personnes qui transforment leur vie un nouveau début et de l’espoir. »