La ferme historique Hayes devient un outil de sécurité alimentaire locale : Edee Klee

La Ferme Hayes. De gauche à droite : Alex Miller (étudiant), Bhreagh Krszwda (étudiante), Ian Robertson (propriétaire), Edee Klee (NBCHG co-présidente & chef de projet), Mark Trealout (gestionnaire/instructeur), Tshering Penjor (étudiant), Valeria Boquin (étudiante), Marissa Augustine (étudiante), Corinne Hersey (instructrice), Emily Johnson (étudiante), Claire May (coordinatrice), Trudy Pickles (NBCHG trésorière & instructrice).

 

L’Urban Teaching Farm Project en est à sa deuxième année d’activité à la Hayes Farm, une ferme historique à Fredericton. Ce projet a mené à la formation de douzaines de fermiers et a permis de faire pousser des chargements de légumes, tant pour les marchés fermiers que pour les populations à risque. Le projet a aussi produit une abondante récolte de dividendes. « C’est beaucoup plus qu’une simple ferme historique en activité », dit Edee Klee, qui dirige le projet de ferme pédagogique et agit à titre de coprésidente pour l’organisme New Brunswick Community Harvest Gardens. « C’est devenu un endroit où s’opèrent des transformations. »

Dans les années 1840, la Hayes Farm, qui comptait 550 acres, était l’une des plus grandes propriétés dans la partie nord de Fredericton, partie alors principalement dédiée à l’agriculture. Au fil du temps, une grande partie des terres de la ferme laitière a été vendue ou donnée, laissant la maison et les granges sur seulement 7,5 acres de pâturage inexploité et de boisé entourés d’un quartier résidentiel grandissant. En mai 2015, la propriétaire Mary Hayes est décédée. Sa volonté était que son neveu Ian Robertson, architecte, s’assure que la propriété demeure une ferme. Ian habite de l’autre côté de la rue. Il a de bons souvenirs de son enfance, alors qu’il explorait les bois et aidait son grand-père et son grand-oncle lors de la fenaison. Cependant, il se demandait quelle était la meilleure façon d’honorer la volonté de sa tante de conserver cette ferme patrimoniale « intacte », d’autant que la ferme était située sur un territoire au zonage à densité résidentielle élevée.

Six mois plus tard, une opportunité s’est présentée! Ian a rencontré Edee Klee, co-présidente de l’organisme New Brunswick Community Harvest Gardens, qui souhaitait créer un petit programme régénérateur qui aiderait la population à apprendre à cultiver. Ce programme s’inscrivait dans la suite logique de l’offre de leur jardin de taille modeste à Fredericton. L’enquête de 2015 de la National New Farmers Coalition démontrait que les nouveaux fermiers d’aujourd’hui sont principalement des femmes vivant en milieu urbain qui choisissent de cultiver de manière écologique. Dans le but de répondre aux besoins de ces étudiants éventuels, l’organisme New Brunswick Community Harvest Gardens a cherché des terres appropriées à l’intérieur des limites de la ville de Fredericton. C’est alors que le défi de Ian est devenu l’opportunité de Klee.

« De façon ironique, je suis une très mauvaise jardinière », dit Klee en riant. « Je n’ai pas le pouce vert, mais je vois aisément les connexions et le potentiel des choses. À mes yeux, la vie est un casse-tête plutôt qu’un problème. Certaines opportunités représentent de vrais portails pour le changement sociétal, et cette opportunité-ci passe par la culture sur une ferme patrimoniale. »

Depuis plus de trois ans, avec le support de la famille Robertson (les descendants des Hayes) qui supervise maintenant la propriété, l’organisme New Brunswick Community Harvest Gardens a effectué des recherches sur d’autres programmes d’enseignement de l’agriculture qui ont fait leurs preuves. L’organisme du Nouveau-Brunswick a tissé des liens avec les organismes responsables de ces programmes. Par ailleurs, l’organisme a sondé le marché et de potentiels participants, s’est associé avec des parties prenantes majeures, et a obtenu l’équivalent de plus de 200 000 $ d’appui non financier. Le slogan du Projet, « Pour avancer, il faut savoir d’où nous venons », reflète les nombreux bénéfices du programme, notamment l’apprentissage de connaissances locales et de pratiques traditionnelles.

La ferme historique se trouve tout près de la Première Nation de St. Mary’s. La philosophie d’enseignement du programme est de permettre le développement de compétences en agriculture qui soient régénératrices, à l’échelle humaine et basées sur les relations interpersonnelles; cette philosophie trouve un écho parmi plusieurs résidents locaux. Les ainés ont accepté d’examiner le programme pour s’assurer que le savoir et les habitudes alimentaires autochtones soient honorés et qu’ils fassent partie intégrante du programme. « Ultimement, nous espérons faire des terres un espace de guérison avec les autochtones », explique Klee, « mais nous devons procéder en douceur tout en maintenant ce sentiment d’urgence. »

Au printemps 2018, l’Urban Teaching Farm a testé son programme avec un projet pilote auquel ont pris part dix participants (tous des stagiaires de l’Université du Nouveau-Brunswick et de l’Université St. Thomas). Le lancement du programme a eu lieu en 2019; la ferme a alors accueilli quinze stagiaires. L’Université du Nouveau-Brunswick et l’Université St. Thomas considèrent que le programme est une excellente occasion d’apprentissage par le biais de l’expérience, sur le terrain. Klee souligne que l’expérience des stagiaires à l’Urban Teaching Farm les transforme réellement : elle leur fait prendre conscience des liens entre les changements climatiques, la production locale d’aliments (le Nouveau-Brunswick n’est autosuffisant en production maraichère qu’à 8 %) et l’inclusion sociale et économique.

Klee a déménagé au Nouveau-Brunswick il y a 13 ans, après avoir travaillé en administration dans le domaine des assurances à Toronto pendant plus de 25 ans. Après avoir obtenu un diplôme en homéopathie et avoir déménagé à Fredericton avec sa famille, elle s’est impliquée dans un groupe d’action pour les sans-abris. Elle continuait néanmoins à chercher un moyen de répondre aux problèmes plus vastes de la population. « Je voulais tenter d’éliminer les obstacles, perçus et réels, qui empêchaient les personnes qui vivent en marge de la société de faire pousser leurs propres légumes et de profiter pleinement des bénéfices physiques et mentaux qui s’y rattachent. » Klee et l’équipe de New Brunswick Community Harvest Gardens constatent le besoin de rendre les aliments riches en nutriments accessibles aux personnes qui n’ont pas les moyens de se les procurer. Cette année, la ferme pédagogique testera un nouveau programme par le biais d’un projet pilote : la moitié de leurs paniers de légumes hebdomadaires pourra être achetée au prix que les gens sont en mesure de payer, alors que l’autre moitié continuera d’être vendue au prix du marché.

Aux yeux de Klee, ce qui est le plus frappant, c’est l’impact du programme sur les stagiaires : suite à leur participation, certains stagiaires se sont engagés dans la défense de causes sociales. « L’Urban Teaching Farm Project ne concerne pas que l’agriculture », dit Klee. « Le projet change les comportements des gens et leur ouvre les yeux sur les liens entre défis sociaux, économiques et écologiques. Il dévoile aussi l’importance des lieux, qui nous nourrissent tant au niveau spirituel que physique. »