Fermeture d’une quincaillerie canadienne, datant d’avant la Confédération
En Ontario, la petite ville de Petrolia est reconnue pour son rôle important dans l’histoire du pétrole. En 1866, le boom pétrolier est arrivé comme un coup de tonnerre et la petite ville est devenue célèbre partout dans le monde.
Petrolia a de nouveau fait la une des journaux nationaux à la fin de l’an dernier, lorsqu’une quincaillerie ouverte l’année précédant le boom pétrolier a dû fermer ses portes après 154 ans d’activité.
En effet, une quincaillerie familiale du Canada, VanTuyl and Fairbank Heavy Hardware, ouverte à Petrolia en 1865, était un excellent reflet de l’histoire de la ville en tant que première capitale du pétrole au Canada.
Petrolia, située à 25 km à l’est de Sarnia, a fourni 90 % des besoins en pétrole du Canada jusque dans les années 1900. À l’époque victorienne, VanTuyl and Fairbank est devenue la plus grande quincaillerie à l’ouest de Toronto. Le magasin s’est légué de père en fils sur trois générations et, depuis 1982, il appartenait à Charlie Fairbank, l’arrière-petit-fils du fondateur.
« Avant la Confédération, cette région était connue sous le nom de Canada-Ouest. Le magasin a su résister à la terreur des raids des féniens, à la diminution des réserves de pétrole, à deux guerres mondiales, à la Grande Dépression, aux incendies, aux inondations et aux nouvelles technologies », déclare M. Fairbank.
Lorsque John Henry Fairbank a fondé le magasin à l’automne 1865 pour approvisionner ses puits de pétrole, Petrolia n’était pas encore un village et l’Ontario s’appelait encore Canada-Ouest. Les gens étaient sous le choc de l’assassinat, au printemps, d’Abraham Lincoln et il faudra encore deux ans avant que John A. Macdonald ne devienne le premier premier ministre du Canada.
C’est durant les années 1860, dans la foulée d’une frénésie pour le pétrole, que Petrolia est née. Des milliers d’hommes en quête de richesse, dont plusieurs Américains après la guerre de Sécession, ont envahi cette « contrée sauvage » à la recherche de pétrole.
Le boom qu’a vécu Petrolia est bien différent de celui qu’avait vécu Oil Springs juste avant. De 1858 à 1866, la frénésie s’est répandue comme un feu de paille – et s’est éteinte tout aussi rapidement. En 1866, c’est le prolifique King Wells qui a déclenché la ruée vers le pétrole à Petrolia, ayant mené à la construction du chemin de fer et à la découverte d’autres puits de pétrole. Dès 1884, la Pétrolière Impériale établissait son siège social, sa raffinerie et son usine de barils à Petrolia, s’étendant sur plus de 50 acres. Le boom a duré plus de 30 ans, faisant de Petrolia la capitale pétrolière du Canada non seulement à cause des grandes quantités de pétrole extrait, mais aussi de la technologie que l’ingéniosité des hommes a su inventer, ainsi que de l’expertise qu’ils ont exportée dans 86 pays entre 1873 et 1945. Alors que le charbon se faisait éclipser par le pétrole, Petrolia a produit de grandes quantités de produits chimiques, et fabriqué des chaudières, des alambics, des articles en laiton, des outils de forage forgés à la main, etc. qui ont été exportés aux quatre coins du monde.
Pendant toute cette période, les gens pouvaient compter sur la quincaillerie Fairbank, qui a porté trois noms avant qu’un immigrant des États-Unis doué pour le commerce, le major Benjamin VanTuyl, en devienne directeur et la renomme en 1874. Le magasin a déménagé plusieurs fois et, entre 1880 et 1930, avait d’autres succursales dans les communautés pétrolières voisines d’Oil Springs et de Bothwell.
Le changement n’a pas cessé. À l’époque victorienne, on y trouvait de tout, des crochets à gants et à chaussures, des couverts en argent sterling, des coupe-cigares, des poêles en fonte, des valves, de la tuyauterie et autres accessoires pour puits de forage, et même des calèches. Une équipe de ferblantiers fabriquait toutes sortes de seaux à lait et toute la marchandise était facile à transporter à partir des voies ferrées adjacentes. Parmi leurs spécialités : le fer à cheval et l’extincteur Fairbank, utilisé dans tous les bâtiments de la ville.
Déjà avant le krach de 1929, les revenus de la famille Fairbank s’épuisaient avec le ralentissement de l’extraction pétrolière et l’arrivée d’autres problèmes financiers. Cette année-là, la famille a dû vendre le grand bâtiment victorien du magasin, situé sur la rue principale. Le magasin a été réduit à trois hangars de fret réunis sous un même toit et le choix des marchandises se résumait à du matériel lourd. Ainsi, le magasin a traversé tant bien que mal la Dépression. Ayant su prévoir les grandes pénuries à l’approche de la Seconde Guerre mondiale, le père de Charlie Fairbank était fier d’avoir stocké beaucoup d’acier.
Pour Charlie, devenu propriétaire en 1982, les gros livres de comptes à couverture noire du magasin semblaient tout droit sortis d’un roman de Dickens. Plus tard, il ajouta des publicités des années 1800 et du début des années 1900 ornaient les murs, des poutres non équarries soutenaient une partie du toit, et parmi les objets exposés se trouvaient un extincteur Fairbank de 1904, une caisse enregistreuse en laiton de 1916, un arrache-clou en fer forgé à la main, ainsi qu’une œuvre d’art en vitrail à énergie solaire. Le plancher du bureau était usé par le passage de tant de bottes au fil des décennies, et une porte de bureau faisait à peine deux pieds de large. Le toit du bâtiment en planches et en lattes était surmonté d’une sculpture métallique grandeur nature du chariot servant à transporter la marchandise, homme et cheval compris.
Theresa MacDonald, la toute première femme directrice du magasin, a été embauchée en 2001. Elle est reconnue pour avoir fait entrer le magasin dans le nouveau millénaire, en plus d’avoir considérablement amélioré les systèmes informatiques et d’avoir créé un site Web, modernisé le bâtiment, supervisé le premier congé de maternité, introduit le solaire, installé des capteurs photovoltaïques sur le toit et organisé des parties de quilles durant le temps des fêtes.
En 2015, à l’occasion du 150e anniversaire, 500 personnes ont participé à des visites guidées de ce magasin d’un demi-acre. Lorsque Theresa MacDonald a pris sa retraite après 18 ans de loyaux services, Charlie a décidé, avec un pincement au cœur, de fermer boutique.
« Le magasin a vu passer 23 premiers ministres, explique Charlie. La question n’est pas de savoir pourquoi nous fermons nos portes, mais plutôt comment nous avons réussi à faire des affaires pendant 154 ans. »
Le magasin était comme un microcosme de la ville et de l’époque. Sa fermeture ne marque pas la fin d’une époque, mais bien de plusieurs époques. Cependant, l’importance de la découverte de pétrole dans cette région canadienne – au cœur de la raison d’être du magasin – ne se dément pas. Le Musée canadien du pétrole du Canada et le domaine de Fairbank Oil partagent la désignation de « lieu historique national » d’Oil Springs, qui reconnaît l’importance des puits Williams et Shaw, les premiers puits de pétrole au Canada. En 2010, le Musée canadien du pétrole, en collaboration avec des intervenants et des planificateurs de la communauté, a obtenu la désignation « premier district de conservation du patrimoine industriel de l’Ontario ». Le Musée canadien du pétrole ainsi que le domaine de Fairbank Oil souhaitent maintenant obtenir la désignation « patrimoine mondial de l’UNESCO ». En mai 2021 se tiendra une importante réunion du Comité international pour la conservation du patrimoine industriel (TICCIH) chez Fairbank Oil à l’occasion de laquelle sera présentée une nouvelle étude thématique sur le patrimoine industriel du secteur de la production pétrolière. L’étude expose les critères permettant d’identifier et d’évaluer l’héritage de la production pétrolière. Ainsi, elle sera de bon conseil pour identifier les infrastructures historiques les plus importantes dans le monde, ainsi que les sites qui sont représentatifs ou typiques de l’évolution de l’industrie pétrolière.
Le Musée canadien du pétrole du Canada fait partie de notre programme de Lieux passeport. Un avantage de l’adhésion à la Fiducie nationale du Canada, 0ù les membres peuvent accéder gratuitement à ces magnifiques lieux participants. Les membres obtiennent également accès gratuitement à plus de 1 000 destinations historiques de d’autres National Trust à l’étranger.