Des histoires à succès dans le patrimoine canadien
Alors que les communautés rurales à travers le pays font face à de nombreux défis, il est réconfortant de savoir que certains lieux historiques jouent un rôle important dans le maintien du tissu social, voire qu’ils agissent comme déclencheurs de revitalisation pour les communautés. Ces histoires de lieux historiques dynamiques situés en zone rurale au Canada ont des points communs intéressants – peu importe leur emplacement – et peuvent inspirer d’autres communautés à la recherche de solutions.
Voici quelques exemples de réussites qui illustrent la grande résilience et le dynamisme possible de lieux historiques en zone rurale.
Khedive Public School, Saskatchewan
L’histoire récente de Khedive est semblable à beaucoup d’autres en zone rurale au Canada : la population de Khedive a chuté à une dizaine de résidents, et l’administration municipale a été dissoute en 2002. Toutefois, ce qui est vraiment remarquable et qui mérite d’attirer l’attention à l’échelle nationale, c’est la manière dont un petit groupe de personnes dévouées a entrepris de sauver l’école historique du village.
Sans présence médiatique, sans site Web, et sans même une adresse électronique, le petit groupe a commencé à organiser des évènements de financement, et il a lancé un appel par écrit aux anciens élèves et habitants du village. Aux dons qui ont suivi cet appel se sont ajoutées des subventions provinciales, ainsi qu’une garantie d’emprunt de la part de l’administration municipale (qui a été remboursée en totalité depuis), ce qui a permis de ramasser plus de 150 000 $! Le toit de l’école a été remplacé, sa brique rejointoyée et sa fondation imperméabilisée.
Les compétences des bénévoles ont été utiles lors des rénovations, mais c’est la détermination de l’équipe principale qui a eu un effet décisif. La belle école de briques à deux pièces ressort toujours dans la petite ville; elle continue d’être un reflet du passé, tout en servant de nouveau lieu de rassemblement pour la communauté.
L’équipe de l’école de Khedive s’est mérité le Prix du lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan en 2018. La vidéo qui narre son histoire (produite par Heritage Saskatchewan) est très inspirante. (Vidéo en anglais)
Le Kingsbridge Centre (Ontario)
Face à la fermeture imminente de la St. Joseph’s Cathedral en 2012, la congrégation de trois cents membres établie à Kingsbridge en Ontario a mobilisé la communauté locale pour sauver ce monument rural. Elles ont rapidement créé un organisme à but non lucratif dans le but de créer un centre polyvalent qui rassemble sous un même toit foi, arts et rassemblements communautaires.
Après trois ans d’activités de plaidoyer soutenues, le groupe a conclu une entente avec le diocèse catholique afin d’acheter la cathédrale, son presbytère et un acre de terrain pour la somme de 1 $. Pendant cette période, le groupe a organisé de nombreuses rencontres avec la communauté dans le but de développer une vision future pour le site. 180 000 $ a été rassemblé en promesses de dons et en travail en nature d’entrepreneurs locaux.
Le groupe, bien organisé, est entré dans le feu de l’action en 2015 quand il a pris possession de la cathédrale : les rénovations nécessaires à la création du Kingsbridge Centre ont été entreprises rapidement. Grâce à une vaste contribution bénévole, le groupe a rassemblé 900 000 $ et a effectué un nombre surprenant de travaux de rénovation sur le sanctuaire pour l’adapter à une grande variété d’usages scéniques et communautaires. Il a aussi achevé des réparations et fait des améliorations au bâtiment et à ses systèmes, en plus de rénover le sous-sol en totalité pour créer des espaces polyvalents, des salles de bain et une nouvelle cuisine.
Le Kingsbride Centre, récipiendaire du prix Assurances Ecclésiastiques Cornerstone en 2019, est en bonne voie de devenir financièrement viable, le nouvel espace rénové attirant une avalanche de demandes de location de la part d’organismes régionaux qui oeuvrent dans les domaines de la santé et des services sociaux, ainsi que de la part de groupes qui travaillent dans les arts de la scène.
Église Saint-Pacôme, Québec
Comme c’est le cas pour plusieurs petites villes rurales au Canada, le cœur du village de Saint-Pacôme (Québec) est son église historique. Comme plusieurs autres congrégations dont les revenus vont décroissants alors que les couts d’entretien des bâtiments vont croissants, les membres de la congrégation de Saint-Pacôme se sont tournés vers l’extérieur pour trouver des partenaires et identifier de nouveaux usages pour l’église au sein de la communauté.
Leur appel a été entendu par un joueur inattendu : une jeune entreprise de haute technologie locale, Inno-3B. Cette entreprise était justement à la recherche de grands locaux pour tester un prototype pour une technologie d’agriculture verticale autonome.
Le synchronisme de ces deux besoins a incité l’entreprise à créer un organisme à but non lucratif, Les jardins du clocher. L’organisme deviendra propriétaire de l’église et coordonnera ses différents emplois, qu’il s’agisse du culte, de l’agriculture verticale, ou du marché où seront vendus les produits de l’entreprise aux résidents locaux.
La chaleur générée par l’agriculture verticale permettra de chauffer l’église ainsi que plusieurs édifices publics adjacents. Les profits qui découleront des ventes effectuées au marché serviront à couvrir une partie des frais liés à l’entretien de l’édifice religieux.
Le succès de ce partenariat improbable permet de contrer plusieurs problèmes rencontrés par les petites villes : un deuxième souffle est donné à un bien patrimonial important, une entreprise privée innovatrice attire de jeunes salariés, et les habitants ont un plus grand accès à des légumes sains sans pesticides et qui sont produits grâce à une technologie à faible émission de carbone.
Prince Edward County Food Hub, Ontario
Parfois, la clé qui permet de rendre un lieu historique plus viable sur le plan financier ne se trouve pas sur le site même. Pour plusieurs petites fermes historiques qui composent le riche paysage culturel du Comté de Prince Edward en Ontario, un nouveau Food Hub joue un important rôle de soutien.
Face à la fermeture éventuelle de l’école Sophiasburgh (bâtiment qui date des années 1960), les résidents des collectivités avoisinantes se sont réunis pour trouver des solutions créatives qui permettent de garder l’école en fonction. Le groupe s’est concentré sur l’espace excédentaire qui se trouvait dans l’école afin de lui trouver un nouvel usage utile à la communauté.
« The County », comme les résidents locaux l’appellent, a de profondes racines dans l’agriculture; plus récemment, il a fait des percées dans les branches de la gastronomie et du tourisme. Les producteurs locaux de petite envergure ont manifesté le besoin de disposer d’une cuisine commerciale qui pourrait être partagée; ils ont aussi souligné la nécessité de soutenir les jeunes entrepreneurs qui travaillent dans l’industrie de l’agrotourisme. Pendant deux ans, le groupe a exercé des pressions sur les politiciens locaux, provinciaux et fédéraux; il a aussi recueilli des fonds pour la planification d’un nouveau modèle de programmation entrepreneuriale. Le groupe informel a constitué une société, le Prince Edward County Food Hub (PECFH), et a signé un bail de cinq ans avec la commission scolaire régionale pour louer l’aile ouest du bâtiment. Ayant réuni plus de 800 000 $ (issus principalement de contributions de la communauté), le PEFCH a converti l’espace loué en une cuisine commerciale, offrant aux agriculteurs locaux un espace de production et d’entreposage indispensable à la transformation de leurs récoltes en produits à valeur ajoutée. L’espace comprend aussi des locaux de classe dans lesquels des cours sur l’alimentation, de la formation professionnelle et du mentorat pour entrepreneurs se croiseront pour devenir un incubateur de nouvelles entreprises.
Le support de plusieurs champions de la communauté, aux domaines d’expertise différents, a été crucial pour assurer le succès de ce projet qui a permis de garder l’école opérationnelle tout en offrant un support nécessaire à une nouvelle génération d’entrepreneurs agricoles. Par ailleurs, au cœur de ce projet, l’histoire de soutien offert à la communauté élargie a trouvé un écho chez les habitants et les investisseurs.
Pour participer aux discussions de la Fiducie sur les enjeux du patrimoine rural, contactez Robert Pajot : rpajot@nationaltrustcanada.ca