Des agents de changement : la nouvelle vague de promoteurs « patrimoniaux » au Canada

Les projets patrimoniaux requièrent moins de temps que la démolition et les constructions neuves, comportent moins de risques et assurent un bon rendement du capital investi.

Est-ce que cela vous surprend? Il se peut que oui, car cela va à l’encontre des idées reçues qui circulent dans les médias canadiens. Dans les faits, les projets à caractère patrimonial sont rentables et une nouvelle génération d’entrepreneurs révolutionnent discrètement l’industrie de l’aménagement immobilier et parviennent par la même occasion à bien gagner leur vie.

Il reste encore à savoir ce qu’est exactement un promoteur « patrimonial ». Il y a dix ans, alors que je travaillais sur une étude de la Fiducie nationale financée par le gouvernement fédéral, Mesures financières visant à encourager la mise en valeur du patrimoine (2014) (disponible en anglais seulement), il a fallu beaucoup de travail d’enquête pour parvenir à dresser une liste de quelque 30 promoteurs immobiliers qui travaillaient avec des édifices patrimoniaux à interviewer. Bon nombre d’entre eux travaillent à l’abri de l’attention du grand public. Cet article vise à lever le voile sur une génération montante de promoteurs qui misent sur les édifices à valeur patrimoniale et à montrer comment ils révolutionnent avec grand éclat le monde de la promotion immobilière au Canada.

 

Frank Voisin (président, Voisin Capital Inc., Kitchener, Ont.)

8, rue Queen N, Kitchener (Ontario), ancienne usine de confection de vêtements ecclésiastiques réaménagée en espaces de bureaux branchés. Crédit : Voisin Capital Inc.

En 2010, quand Frank Voisin a appris que Google, qui brûlait d’envie d’avoir plus d’espace de travail, prévoyait d’étendre ses activités dans un édifice historique rénové de plus de 17 000 mètres carrés et de construire de nouveaux locaux de quelque 28 000 mètres carrés de l’autre côté de la rue au centre-vrille de Kitchener, il savait que des milliers d’ingénieurs voudraient vivre et travailler à proximité, et non dans les banlieues. Par conséquent, en 2015, son frère Steven Voisin et lui ont acheté le 8 Queen Street North, qui ne trouvait pas preneur depuis plus de deux ans. Ils ont commencé par rénover le bâtiment en briques de deux étages datant de 1925 en aménageant des bureaux à aire ouverte et en ajoutant des locaux vitrés modernes au troisième étage. Bien que la façade du bâtiment avait été endommagée par un revêtement de stucco, l’ancien grand magasin, ensuite converti en fabrique de vêtements liturgiques et d’œuvres d’art, était solide et bien construit, avec des planchers faits avec des deux-par-huit et de lourdes poutres de métal.

Frank Voisin, qui compte maintenant cinq projets de remise en valeur du patrimoine à son actif dans le sud de l’Ontario, estime savoir à quoi s’attendre. « Les projets patrimoniaux exigent de la souplesse et le souci du détail, explique-t-il. Pour les nouvelles constructions, un promoteur effectue la majeure partie de son travail au cours de la phase de planification. Il est question d’apporter des changements qui ne sont pas considérés comme  » de plein droit  » par le biais de l’urbanisme, ce qui impliquait autrefois des négociations et des marchandages. Par la suite, si on a un bon entrepreneur général et de bons plans, les risques sont grandement atténués. Avec des rénovations patrimoniales, notre implication comme promoteur se fait au jour le jour. On doit sans cesse relever de nouveaux défis. Par exemple, on ouvre un mur et on découvre tout à coup un problème structurel inattendu. Il faut vraiment travailler avec son entrepreneur général tous les jours parce que sinon, le projet s’arrête. »

Voisin a grandi dans une famille qui a fait affaire longtemps dans la construction de nouveaux ensembles résidentiels, l’entreprise de son grand-père ayant construit plus de 1 000 maisons sur des lotissements de Kitchener-Waterloo de 1945 à 1970. Malgré cela, Voisin se sentait attiré par le secteur patrimonial. Lorsqu’il était en sixième année, sa famille a emménagé dans la maison William J. Scott (1858) à Hamburg, en Ontario, et a entrepris une rénovation complète. Le fait de voir les personnes de métier à l’œuvre dans cette maison historique l’a profondément marqué. Plus tard, alors qu’il vivait à l’étranger en Asie et en Europe, Voisin a vu des quartiers urbains dynamiques à usages multiples et s’est demandé pourquoi Kitchener, sa ville natale, ne pourrait pas s’en inspirer.

Après avoir travaillé au 8 Queen Street North, Voisin se rappelle « avoir eu la piqûre ». Ses projets ultérieurs au centre-ville de Kitchener comprennent le 41 King Street West (décoré d’un prix du patrimoine) dont la grandeur était cachée sous des couches de rénovations « modernisantes », et le 48 Ontario Street (un édifice historique de la Légion inoccupé depuis 15 ans), où il a redonné à l’édifice sa gloire perdue en révélant les planchers terrazzo et les escaliers en tuiles d’autrefois. En 2018, Voisin a réalisé son plus grand projet de réutilisation adaptative : la transformation de l’entrepôt de pneus Uniroyal-Goodrich (construit en 1956) situé au 137 Glasgow Street, qui est devenu Catalyst137, un carrefour de 44 000 mètres carrés pour les entreprises de fabrication technologique — le plus grand en son genre en Amérique du Nord.

Catalyst137, à Kitchener (Ontario), a transformé un immense entrepôt de pneus Uniroyal-Goodrich des années 1950 en la plus grande plaque tournante du matériel technologique en Amérique du Nord. Crédit : Voisin Capital Inc.

Il y a eu bien sûr des défis, comme la fois où il a apporté son expérience en restauration patrimoniale dans le cadre d’un projet conjoint avec Fusion Homes pour les condominiums de Metalworks à Guelph. Le projet s’est avéré très compliqué en raison de l’enlèvement coûteux d’amiante et de peinture au plomb, ainsi que du travail structurel considérable à effectuer sur un site étroit avec des règles strictes en matière de protection du patrimoine. En fin de compte, le projet a remporté plusieurs prix du patrimoine.

Lorsque j’ai parlé à Voisin pour la première fois en 2020, il était très optimiste quant au marché de la remise en valeur du patrimoine : « À moins d’accroître considérablement la densité sur un site, il est presque toujours moins économiquement attrayant d’acheter, de démolir et de construire du neuf. Traditionnellement, les coûts associés à une construction neuve à Kitchener-Waterloo, où j’ai travaillé, ont dépassé de loin les coûts associés à l’achat et à la rénovation. De plus, le traitement fiscal est de loin préférable pour les projets de réutilisation adaptative, étant donné que l’augmentation de l’évaluation de la SÉFM se base souvent sur une valeur inférieure à celle d’une nouvelle construction. » D’autre part, les règlements de zonage historiques (p. ex., la marge de reculement, la surface construite et le ratio de stationnement) sont souvent préférables aux nouveaux règlements, ce qui joue également en faveur des projets de réutilisation adaptative.

Or, les indicateurs fondamentaux du marché de l’immobilier peuvent changer à tout moment. Voisin, qui a déménagé récemment à Cranbrook, C.-B., affirme que sa dernière acquisition d’un édifice historique remonte à cinq ans et qu’il commence à s’inquiéter. « Ces temps-ci, il y a beaucoup d’éléments qui jouent contre les édifices patrimoniaux à Kitchener : le prix des propriétés n’est pas assez bas pour que la rénovation en vaille la peine, sans compter qu’il est difficile de trouver des locataires pour les édifices patrimoniaux, longs et étroits, des rues principales et qu’il est de plus en plus difficile de contracter une assurance et un prêt hypothécaire. Quand je regarde le centre-ville de Kitchener, je suis très inquiet que ces édifices ne puissent pas être sauvés si tous ces éléments ne cessent de mettre les bâtons dans les roues aux propriétaires. »

 

Andria Carosielli (président, Groupe Carosielli, Montréal, Qc.)

L’intérieur du Théâtre St-James du groupe Carosielli, à Montréal, transformé d’une banque CIBC en un somptueux lieu d’événements. Crédit : Chris Wiebe

« Quand on se lance dans un projet, on ne sait jamais vraiment si cela va fonctionner, souligne Andria Carosielli au sujet du Théâtre Cartier, la toute nouvelle acquisition du Groupe Cartier. C’est en quelque sorte un pari. » Maintenant que le Group Carosielli, une entreprise familiale, a restauré et converti trois propriétés patrimoniales en espaces événementiels spectaculaires de première classe à Montréal, ce « pari » se fonde désormais sur une expérience durement acquise, de la patience vis-à-vis le processus souvent compliqué de remise en valeur et un solide modèle d’affaires. Ce faisant, le Groupe Carosielli a tracé un chemin qui attire l’attention à la grandeur du pays.

Le tout a commencé de façon un peu farfelue en 2010. Les parents d’Andria Carosielli, Luisa Sassano et Ezio Carosielli, avaient l’habitude de sortir en amoureux au Théâtre Rialto, un grand cinéma des années 1920 situé sur l’avenue Park à Montréal.  « Lors de l’un de ces rendez-vous amoureux, mon père a dit : « un jour, j’achèterai cet édifice  » », raconte Andria.  Quelques décennies plus tard, ses parents étant devenus avocats et propriétaires-exploitants d’une douzaine de garderies, son père a vu que le Rialto était à vendre et, après s’être souvenu de sa vieille promesse, a acheté l’édifice délabré. Par la suite, la famille a passé plusieurs années à donner un nouveau souffle au théâtre et à rendre le projet profitable. Aujourd’hui, le Rialto compte cinq espaces événementiels uniques, dont le théâtre principal magnifiquement orné qui peut accueillir jusqu’à 700 personnes. Andria était à l’école secondaire quand sa famille a acheté le Rialto. Elle y a grandi et a été aux premières loges de travaux de rénovation, ayant même travaillé au vestiaire et au bar du théâtre pendant ses études universitaires. Elle a appris les rouages du métier dès les premières pelletées de terre. En 2012, sa famille a fait l’acquisition d’une deuxième propriété patrimoniale, la Banque CIBC de style néoclassique datant de 1907 et située sur la rue Saint-Jacques dans le Vieux-Montréal, qu’elle a transformée en grande salle de bal.

Le Groupe Carosielli a été confronté à son plus grand défi en 2018, quand il a acheté une église semi-abandonnée sur la rue Sainte-Catherine et a entrepris de la transformer en ce qui deviendrait le Théâtre Cartier. « Quand nous avons acheté l’église, explique Andria Carosielli, aujourd’hui présidente de l’entreprise familiale, la congrégation se rencontrait dans le sous-sol étant donné les préoccupations liées à la sécurité du bâtiment. Les clochers et les marches du parvis s’effondraient, il y avait des dégâts importants causés par l’eau, l’intérieur avait été peint en blanc, mais nous pouvions voir le potentiel de l’église. »

Le superbe intérieur restauré du Théâtre Cartier, à Montréal, autrefois l’église Saint-Vincent-de-Paul. Crédit : Chris Wiebe.

Le projet de transformation, retardé par la pandémie, a pris cinq ans et a entraîné des coûts de possession considérables. Cependant, la famille s’était tissé un large réseau d’artisans au fil des ans — charpentiers-menuisiers, peintres, plâtriers, spécialistes du terrazzo et bien d’autres encore. « Alors que pour le Rialto, nous pouvions faire un peu de travail ici et là, pour le Cartier, c’était un projet de restauration qui n’arrêtait pas », ajoute Carosielli. Le Groupe Carosielli a utilisé les matériaux d’origine dans la mesure du possible — par exemple, le bois massif des portes d’entrée et le plancher terrazzo — et a restauré les peintures du plafond de la nef en travaillant à partir de photos d’archives. Il a même converti de manière très astucieuse les anciens confessionnaux de l’église pour y dissimuler les conduits de climatisation.

« Avec les projets patrimoniaux, il y a beaucoup de paperasse et beaucoup d’étapes à franchir. Il faut être patient, surtout pour les changements de zonage, mais c’est très gratifiant de donner un second souffle à ces bâtiments », conclut Carosielli. Présentement, le Groupe Carosielli examine la possibilité d’étendre ses activités à Toronto, où son modèle d’espaces événementiels n’a pas encore pris racine, malgré un besoin criant.

 

Glyn Lewis (fondateur et PDG, Renewal Development, Vancouver, C.-B.)

Trois maisons des années 1950 à Port Moody (Colombie-Britannique), sauvées par Renewal Development, transportées par barge jusqu’à la Nation shíshálh en avril 2024. Crédit : Renewal Development.

Au Canada, quand une maison seule est démolie, ce sont en moyenne 100 tonnes de matières premières et 23 tonnes de carbone intrinsèque qui sont produites. Glyn Lewis a fondé Renewal Development en 2021 pour s’attaquer à ce grave problème et le transformer en occasion à saisir. Il s’est rendu compte qu’à Metro Vancouver, 2 700 maisons étaient détruites tous les ans, soit le nombre le plus important de toutes les villes au Canada. L’intensification et le désir de construire de nouvelles maisons de grande taille étaient principalement responsables du problème. « On dirait que tous les paliers de gouvernement encouragent la densification des zones urbaines pour créer plus de logements et faire diminuer les pressions inflationnistes sur le coût des logements. Je soutiens réellement le changement de zonage des maisons unifamiliales dans les centres urbains à forte croissance. Nous avons besoin de plus de logements et nous devons encourager l’utilisation du transport en commun ainsi que de la marche et du vélo dans nos communautés, affirme Lewis. Mais le processus pour atteindre cette densité est extrêmement polluant. C’est polluant du point de vue des matières premières et du carbone intrinsèque, mais aussi du point de vue d’une offre de logement durable. »

Lorsque Renewal Development s’est penché sur les 2 700 maisons rasées chaque année à Vancouver, l’entreprise a estimé que 700 d’entre elles étaient solides et en bonne condition. Pourtant, seulement 50 maisons étaient sauvées, relocalisées et converties tous les ans. Alors, pourquoi ce fossé? « L’industrie de la relocalisation existe depuis des centaines d’années », fait remarquer Lewis, mais le cadre stratégique des municipalités au Canada doit se détourner de la démolition. « La démolition devrait être la dernière option, pas la première », ajoute Lewis. Renewal Development se veut être une solution responsable pour la relocalisation des maisons indésirables. L’entreprise gère les contrats de démolition pour les promoteurs, coordonne la tâche complexe qu’est la relocalisation et rénove les maisons afin qu’elles deviennent des habitations écoénergétiques et abordables dans des communautés non urbaines. Et quel est le résultat selon Lewis? Une création rapide de logements qui coûte de 40 à 60 % moins cher que les nouvelles constructions.

Le parcours professionnel sinueux de Lewis montre l’importance de suivre ses passions et de saisir les occasions. « J’étudiais en chimie à l’Université Simon Fraser en 2006 quand j’ai vu le documentaire Une vérité qui dérange, qui m’a poussé à me demander ce que je pouvais faire pour laisser la planète en meilleur état. Je me suis alors inscrit au programme de chimie environnementale, mais je me suis vite rendu compte que mes talents consistaient à mettre en œuvre le changement et j’ai donc fait un autre changement de programme pour m’inscrire en développement durable des collectivités. » Après ses études universitaires, Lewis a travaillé sur la campagne présidentielle d’Obama en 2008 et, par la suite, dans le secteur à but non lucratif en Colombie-Britannique. En 2012, il a cofondé New/Mode, une entreprise de logiciels qui crée des plateformes et des outils en ligne pour faciliter les mouvements de changement social.

Ce n’est qu’en 2020 qu’est née l’idée de fonder Renewal Development. « Ma sœur vivait dans une maison patrimoniale vieille de 110 ans à Esquimalt et elle y avait mis beaucoup d’amour — l’intérieur était fait de vieux arbres et la maison avait beaucoup de caractère, raconte Lewis. C’était une maison chaleureuse et accueillante. En 2018, un promoteur a acheté tout le pâté de maisons dans le cadre d’un remembrement des terres et ma sœur avait peur que sa maison soit détruite. » Sa sœur et lui ont alors trouvé une entreprise de relocalisation dans la région et ont déplacé la maison sur un terrain près de Sooke. « J’ai songé à notre expérience et je me suis demandé pourquoi cela ne se produit pas plus souvent, déclare Lewis. J’avais l’impression que je pouvais apporter une contribution. Et le fait de voir toutes ces démolitions à Vancouver, cette folie, m’a poussé à aller encore plus loin. »

Au printemps 2025, Renewal a déplacé par barge 10 bungalows des années 1950, construits de vieux arbres et bien entretenus, de Port Moody jusqu’à la Nation shishalhe située à plus de 100 kilomètres, après que Clean BC ait amélioré l’isolation des maisons et réalisé des rénovations énergétiques. Sur place, les maisons ont été placées sur des sous-sols, créant ainsi 17 nouveaux logements. Il s’agissait des premières nouvelles maisons depuis 10 ans à la Nation shishalhe.

Le projet « shíshálh Nation: Ten Home Rescue Project » a été présenté au Pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise 2025. De gauche à droite : Glyn Lewis (fondateur et PDG, Renewal Development), Lewis Landolt (gestionnaire du développement, Wesgroup), Elissa Golberg (ambassadrice du Canada en Italie), ch’elkwilwet Raquel Joe (conseillère de la Nation shíshálh), Rochelle Jones (conseillère de la Nation shíshálh). Crédit : Renewal Development.

Qu’est-ce qui empêche un moratoire sur la démolition et que la relocalisation devienne la nouvelle norme? « Notre société est fondée sur le paradigme de la démolition avant tout. La culture, les comportements, les politiques, les grands joueurs de l’industrie, tout cela nous pousse à faire une chose simple, mais désuète : raser toutes ces bonnes maisons et envoyer tous ces matériaux dans les sites d’enfouissement. Les entreprises comme Renewal Development suscitent un changement de paradigme. Grâce à des solutions, aux recherches et au plaidoyer de l’industrie, nous tentons de faire la lumière sur l’épidémie de la démolition. »

Récemment, Lewis a corédigé un rapport avec Gil Yaron (directeur général, Circular Innovation à Light House, Vancouver) qui se fonde sur un rapport intitulé Home Demolition Waste Prevention: Municipal Action Plan (2025) et qui présente les changements nécessaires. « D’un point de vue entrepreneurial, conclut Lewis, nous voyons tellement de potentiel, mais nous avons besoin de certains changements clés. Étant donné l’état actuel de la scène politique et du secteur de la construction, nous nous sentons limités, un peu frustrés comme Steve Jobs. Je crois que c’est le rôle de Renewal est de révolutionner l’industrie et de devenir un agent de changement. »