Repenser le 24 Sussex : un appel à la préservation durable
Je m’appelle Natalie Bull. Je suis directrice générale de la Fiducie nationale du Canada, un organisme de bienfaisance d’envergure nationale qui soutient le mouvement du patrimoine depuis 1973.
Mes collègues de l’organisme Historic Ottawa Development Inc. ici présents sont bien placés pour démontrer le bien-fondé d’une réhabilitation du 24, promenade Sussex. La valeur patrimoniale de cette propriété emblématique est indiscutable : le 24 Sussex est un point de repère bien connu, un lien à des personnes et des événements qui ont façonné notre récit national. C’est du patrimoine authentique, avec des couches d’histoire intactes – ce n’est pas seulement une plaque ou une photo dans les archives.
Aujourd’hui, je voudrais insister sur le fait que la décision sur l’avenir du 24 Sussex est autant une question de CARBONE qu’une question d’argent ou de valeur patrimoniale. Et ensemble, ces trois facteurs font qu’il est clairement impératif d’investir et de réutiliser.
À l’heure où l’urgence climatique est le plus grand enjeu, et où le Worldwatch Institute estime que la planète sera à court de matières premières de construction d’ici 2030, chaque décision concernant l’avenir d’un immeuble existant doit être soigneusement réfléchie. En mesurant les émissions de carbone qui découlent directement d’un nouveau projet de construction et en les comparant à ce qu’elles sont si on conserve un bâtiment existant, la conclusion est presque toujours qu’il faut conserver et réutiliser. C’est ainsi par exemple que le projet de démolition et de remplacement du grand magasin Marks & Spencer à Londres a été rejeté récemment, uniquement sur base de l’analyse carbone.
Le 24 Sussex ne devrait pas faire exception à l’impératif de la réutilisation. De fait, il présente une belle occasion pour le gouvernement de donner suite à sa nouvelle norme sur le carbone incorporé dans la construction, et d’envoyer un signal fort contre le caractère jetable des immeubles existants.
Malgré une importance patrimoniale que le gouvernement lui-même juge être du même niveau que celle des édifices du Parlement, le 24 Sussex souffre depuis longtemps d’un manque d’investissement et d’entretien. La vérificatrice générale a bien détaillé la situation en 2008. Elle avait d’ailleurs prédit dès 2003 que des éléments du patrimoine aux mains du gouvernement fédéral seraient perdus à jamais à moins que des mesures soient prises pour inverser la tendance.
Il peut falloir jusqu’à 80 ans pour qu’un nouvel immeuble « vert » compense les émissions de carbone engendrées par sa construction. Or, c’est maintenant que nous avons besoin de résultats. Prendre l’engagement de donner un avenir au 24 Sussex – et montrer aux Canadiens que même des immeubles spéciaux désignés du patrimoine peuvent être adaptés avec souplesse, en permettant une densification et en ajoutant des annexes appropriées – est le meilleur message que le gouvernement puisse communiquer aujourd’hui à l’égard de tous les immeubles existants.