La Loi sur le patrimoine de l’Ontario, les désignations futures et plus de 31 500 propriétés patrimoniales « inscrites » en Ontario

Le projet de loi 23, la Loi de 2022 visant à accélérer la construction de plus de logements, supprime les principaux outils de protection du patrimoine de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario.   

La Loi visant à accélérer la construction de plus de logements (le projet de loi 23) du gouvernement de l’Ontario – présentée comme essentielle pour éliminer les formalités administratives de 10 lois provinciales existantes et créer 1,5 million de nouveaux logements en Ontario en 10 ans – a été adoptée à la hâte le 28 novembre après un mois d’étude et presque aucune consultation publique. Cette loi tentaculaire contient des modifications qui éliminent les principaux outils de protection patrimoniale de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario, notamment en :   

  • rendant la désignation patrimoniale beaucoup plus difficile à obtenir, ce qui compromet particulièrement la protection des lieux importants pour les communautés autochtones et sous-représentées;   
  • étouffant la protection des lieux non désignés ayant un « potentiel patrimonial » en imposant une limite de deux ans à leur inscription dans les registres municipaux du patrimoine (qui contiennent actuellement plus de 31 500 propriétés dans toute la province);  
  • rendant les districts de conservation du patrimoine plus difficiles à désigner et plus faciles à révoquer;  
  • interdisant la désignation patrimoniale une fois qu’une demande de planification a été faite, ce qui fait en sorte que les ressources du patrimoine culturel sont plus à risque d’être perdues;  
  • mettant en péril l’environnement naturel et le patrimoine culturel des territoires traditionnels des communautés autochtones, et en ne consultant pas adéquatement les Premières Nations en tant que titulaires de droits inhérents et de droits issus de traités et en ne tenant pas compte de leurs préoccupations.   

La nouvelle loi porte également des coups dévastateurs à la conservation du patrimoine naturel en Ontario – comme l’ouverture de la ceinture de verdure de l’Ontario autour de Toronto (la plus grande ceinture de verdure urbaine du monde, qui protège 2 millions d’hectares de terres agricoles, de forêts, de zones humides, de rivières et de lacs) à la construction de logements – et a suscité de vives réprimandes de la part d’intervenants aussi divers que les Chiefs of Ontario, ACORN Canada, Environmental Defence, Ontario Nature, l’Ontario Business Improvement Area Association et l’Association des municipalités de l’Ontario. ACORN Canada et les défenseurs du logement abordable préviennent que la loi aggravera la crise actuelle du logement en retirant aux municipalités le pouvoir de protéger les logements abordables existants.  

Pourquoi est-ce important?  

Risque de démolition et de gaspillage accrus du patrimoine culturel, d’aciens bâtiments viables et de précieux matériaux de construction :  Les lois provinciales et territoriales sur le patrimoine constituent le fondement de la conservation du patrimoine au Canada. En Ontario, la Loi sur le patrimoine de l’Ontario est le seul rempart qui permette aux propriétaires de s’arrêter et de réfléchir avant d’aller de l’avant avec une démolition, qui est accordée « de plein droit » aux propriétaires. En vertu de la Loi sur le code du bâtiment de l’Ontario, les seuls bâtiments de la province qui doivent faire l’objet d’un avis de demande de démolition se trouvent sur des propriétés inscrites ou désignées en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario. Le Canada est honteusement le premier pays au monde pour ce qui est du volume de déchets allant à la décharge par habitant (36,1 tonnes métriques par personne par an), les matériaux de démolition et de construction représentant au moins 30 % de ce flux de déchets.  

Cette situation contraste fortement avec celle de l’Europe et du Royaume-Uni, où une transition active d’une économie linéaire du « prendre-fabriquer-jeter » à une économie circulaire qui consiste à « réutiliser » est en cours, avec notamment l’instauration d’exigences en matière de justification de la démolition et, si nécessaire, la déconstruction des bâtiments (récolte minutieuse des matériaux de construction) afin de réduire les effets importants de l’industrie de la construction sur l’environnement. Les nouvelles constructions – y compris l’extraction et la fabrication de nouveaux matériaux de construction – représentent plus de 11 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. 

Sape les droits des municipalités et des citoyens : La Loi sur le patrimoine de l’Ontario a été promulguée en 1975 pour « donner aux municipalités et au gouvernement provincial les pouvoirs juridiques de préserver le patrimoine ontarien ».  L’un des principes fondamentaux de la Loi était que les citoyens locaux, par l’intermédiaire de leurs conseillers municipaux, sont les mieux placés pour savoir quel patrimoine il est important d’identifier, de protéger et de préserver dans leurs communautés. Lorsque la Loi a été mise à jour en 2005, un élément clé a été d’officialiser le registre du patrimoine pour permettre aux municipalités d’identifier publiquement les lieux patrimoniaux désignés ainsi que d’« inscrire » ceux qui ont un potentiel patrimonial (et de prévoir une pause de 60 jours avant de délivrer un permis de démolition).    

Crée des obstacles à la conservation de divers lieux patrimoniaux : Au cours des dernières décennies, la compréhension de ce qui constitue un lieu patrimonial s’est élargie au-delà des grands édifices et des considérations uniquement historiques et esthétiques, pour englober les paysages culturels indigènes et d’autres lieux qui ne répondent peut-être pas aux critères traditionnels de désignation, comme les modestes collections de structures associées à la diversité du Canada.   

Des inventaires rigoureux des ressources patrimoniales constituent l’élément de base de tout programme local, provincial ou territorial de conservation du patrimoine et sont une pratique exemplaire reconnue à l’échelle internationale. Il est intéressant de noter que le projet de loi 69 du Québec, Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel (2021), souligne l’importance de cette approche, en exigeant désormais des municipalités qu’elles créent des registres rigoureux des propriétés patrimoniales potentielles sur leur territoire.  

Que doit-on changer?  

Le logement est une priorité urgente, et la conservation du patrimoine est un allié pour ceux qui cherchent réellement à créer plus de logements, à minimiser l’impact sur l’environnement et à construire des communautés résilientes. La conservation du patrimoine soutient une intensification réfléchie, y compris un aménagement intercalaire bien conçu et planifié, ainsi que la conversion et la réhabilitation de bâtiments existants en logements.  Des preuves suffisantes provenant de partout en Ontario démontrent que la conservation du patrimoine et le développement du logement sont mutuellement bénéfiques et ne s’opposent pas l’un à l’autre comme le tient pour acquis la Loi visant à accélérer la construction de plus de logements (et le rapport du Groupe d’étude sur le logement abordable en Ontario de 2022 qui l’a précédé).   

Ironiquement, la Loi vise à ouvrir la voie à de nouvelles constructions, mais ne s’attaque pas aux obstacles systémiques inhérents à la réutilisation des bâtiments, qui, s’ils étaient éliminés, permettraient de créer des logements plus rapidement et d’éliminer l’empreinte carbone supplémentaire associée aux nouvelles constructions. Les conflits liés au code du bâtiment, le manque d’ouvriers dans les métiers spécialisés et les distorsions du système fiscal entravent actuellement la réutilisation adaptative des bâtiments existants de l’Ontario, mais ne sont pas abordés par les mesures de la Loi.   

Nous exhortons le gouvernement de l’Ontario à entreprendre un examen plus approfondi des conséquences des modifications proposées à la Loi sur le patrimoine de l’Ontario avant la proclamation. Il est urgent de consulter les organismes provinciaux de protection du patrimoine et d’autres intervenants et titulaires de droits afin de supprimer ou d’atténuer ces modifications nuisibles apportées à la Loi sur le patrimoine de l’Ontario.   

Nous exhortons les défenseurs du patrimoine à continuer de nouer des relations et d’accroître la compréhension de ceux qui partagent l’objectif de prendre soin des gens, des lieux et de la planète, et de rééquilibrer une industrie du développement orientée vers les nouvelles constructions, au lieu de maximiser la durée de vie des bâtiments et leur réutilisation adaptative.  

 

Lieu: Ontario

Palmarès des 10 sites les plus menacés : 2022

Situation actuelle : Menacé

 

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