Un vénérable établissement revit sur la rivière Rideau

D’abord, ils ont voulu restaurer un centre de villégiature historique, en préservant son caractère patrimonial canadien. Ensuite, ils ont résolu d’y attirer une nouvelle génération de vacanciers, en lui insufflant une nouvelle vitalité.

Voilà ce qu’ont fait pour l’établissement Opinicon Resort Fiona McKean et son mari Tobi Lütke, pdg de l’entreprise de haute technologie Shopify, d’Ottawa.

Comme son nom l’indique, l’établissement jadis surnommé « la grande dame sur la rivière Rideau » est situé sur le bord du lac Opinicon, au nord-est de Kingston (Ontario). Le lac fait partie de la voie navigable du canal Rideau. Le centre de villégiature comprend un pavillon principal de deux étages, couleur ocre et vert, et 16 chalets, sur un terrain de 16 acres donnant sur le lac. Il vit une véritable renaissance après que le couple l’a acheté à l’enchère en 2015.

Pour Mme McKean, la décision d’acheter était profondément personnelle. Son attachement à cet établissement classique ontarien date de son enfance : « J’ai passé bien des étés non loin avec ma famille, et je garde de précieux souvenirs de mes visites ici – surtout pour déguster de la crème glacée. »

Faisant partie d’une communauté très soudée, « l’endroit était totalement en vogue dans ses belles années, dans la première moitié du 20e siècle », dit Mme McKean. Il était une destination de vacances réputée et une escale incontournable sur la route du canal Rideau. Avec le temps toutefois, son attrait s’est étiolé. Après des années de déclin, n’étant plus que l’ombre de lui-même, il fermera ses portes en 2012.

L’intérieur du chalet Ponderosa (Union Eleven Photographers).

L’Opinicon reste ensuite à l’abandon. Il aurait bien pu être réaménagé en parc à roulottes, si le couple McKean-Lütke ne l’avait pas racheté – à peine quelques jours avant que Mme McKean ne donne naissance à leur troisième enfant. (Elle dit à qui veut l’entendre, à la blague, que ce sont les hormones qui l’ont décidée à agir!)

Avec les enfants en renfort, Mme McKean a assumé l’initiative et s’est attelée à la tâche pour adapter le lieu de villégiature au monde moderne du tourisme de destination. Misant sur ses talents de communicatrice, elle a rapidement tendu la main à la communauté. Utilisant les médias sociaux, elle l’a constamment tenue au courant des défis à relever et des progrès réalisés. Elle a rallié les volontés, y compris en réunissant, au printemps 2015, une légion de bénévoles armés de râteaux pour dégager la végétation qui avait envahi la propriété. Elle a aussi engagé des douzaines de résidents locaux et d’anciens employés. Le projet est ainsi devenu une affaire résolument communautaire.

Malgré l’urgence à rouvrir l’établissement, Mme McKean a pris grand soin de respecter le caractère d’origine des locaux et de redorer les éléments de valeur découverts en cours de route.

Pendant les travaux de construction, les ouvriers ont trouvé une section du toit original en cèdre de la maison de Samuel Chaffey. L’entrepreneur a proposé de le remplacer par un nouveau toit de bardeaux. « Personne ne le saura », a-t-il fait valoir. « Moi, je le saurai », a rétorqué Mme McKean, déterminée à sauver la vieille toiture. Les travaux ont donc été suspendus pour réviser les plans. « Nous avons enlevé, nettoyé et replacé chaque bardeau de cèdre », dit-elle. Le toit est maintenant un des principaux attraits du Tiki Room, recréation du Tiki Room original cher aux visiteurs du passé.

Elle a réaménagé avec goût et sensibilité les pièces lambrissées de l’Opinicon, avec du mobilier d’époque. Elle a aussi disposé ça et là sur le terrain des chaises de style Muskoka, faites maison et peintes, comme il se doit, en « rouge Opinicon ».

En juin 2015, l’Opinicon accueillait de nouveau des clients. De grands travaux de rénovation étaient terminés, un indispensable permis d’alcool avait été obtenu, des aménagements modernes nécessaires aux visiteurs – tels que l’accès Internet et un réseau Wi-Fi – avaient été mis en place, et des mets de calibre mondial étaient servis dans la spacieuse salle à manger ornée de riches boiseries.

La salle Alford dans le chalet principal de l’Opinicon est utilisée pour des événements (Union Eleven Photographers).

Aujourd’hui, Fiona McKean veille à ce que ce bien du patrimoine vivant ait un avenir comme destination touristique canadienne. Du reste, la restauration de l’établissement n’est pas seulement un projet commercial, mais une façon d’enrichir la communauté.

« J’espère que cet endroit inspirera d’autres projets dans la région qui accroîtront encore son attrait, dit-elle. Entre-temps, il est gratifiant de voir des enfants heureux de savourer de généreux cornets de crème glacée, et de savoir que des adultes peuvent renouer avec des souvenirs de leur enfance. »

La détermination de Mme McKean de respecter le patrimoine canadien de façon créative est profondément ancrée. Elle a habilement concilié l’ancien et le nouveau, préservant le salon de crème glacée de l’Opinicon avec ses comptoirs de Formica vert pomme et ses tabourets pivotants. En même temps, elle a intégré, dans le pavillon principal, un pub moderne respectant admirablement le caractère des lieux. Cet équilibre est assuré partout à l’Opinicon, dehors comme dedans. Et ce n’est pas seulement les choix d’aménagement qui créent une atmosphère accueillante, mais aussi les décisions en matière d’embauche et d’achats favorisant le personnel et les fournisseurs locaux.

Pour Mme McKean, il s’agit d’investir dans la communauté. « Par-dessus tout, nous tenons à créer de bons emplois et à retisser le fil de la communauté », dit Fiona McKean.

 

Son historique

L’histoire de l’Opinicon remonte à la fin des années 1870, quand Samuel Chaffey en a construit la première maison comme résidence privée. Étant située sur le lac Opinicon – créé lors de la construction du canal Rideau – foisonnant de poissons, elle a attiré tant les amateurs de pêche que les plaisanciers. Cela étant, elle a été agrandie et transformée en hôtel estival au début des années 1900. Elle portera divers noms, dont « Idylwild », en passant successivement entre les mains de différentes familles.

En 1921, W.E. Phillips en fait l’acquisition et rebaptise la propriété The Opinicon Club. Les premiers chalets sont construits, dont certains sont encore en service aujourd’hui, et alors commence la belle période de l’Opinicon. Le pavillon séduit des clients tentés par le célèbre rôti de bœuf qui y est servi, les chambres élégantes qui y sont proposées et l’agréable propriété sur laquelle il se trouve. La propriété, c’était et c’est encore 16 acres avec 800 pieds en bordure du lac, avec de grands arbres produisant de l’ombre et créant un cadre enchanteur. À son apogée, l’Opinicon était parfaitement digne de son surnom, « grande dame sur la rivière Rideau ». Il est bien en voie d’y faire de nouveau honneur.