Pourquoi les groupes confessionnels et les groupes artistiques devraient cohabiter

En acceptant le prix Siminovitch de théâtre cette année, Marcus Youssef a prononcé un discours qui a clarifié l’intérêt que je porte aux points de rencontre entre groupes confessionnels et la communauté dans son ensemble.

Il abordait son propre intérêt en la matière et pour l’espace partagé entre des gens – explicitement et implicitement. Il évoquait des moments de communion inattendue entre des personnes, des cultures et des groupes, les découvertes qu’apportent ces explorations liminales et la richesse de ces moments.

Voilà en somme ce que je tentais d’exprimer depuis que j’ai assumé la direction générale du Trinity-St. Paul’s Centre for Faith, Justice and the Arts. Le milieu du théâtre, où j’ai passé le plus clair de ma vie professionnelle précédente, manque souvent de diversité sur les plans de l’âge, de la culture et des aptitudes, tant chez les spectateurs que chez les acteurs. La vie, de façon plus générale, ne nous encourage pas à connaître ceux qui sont à l’extérieur de notre champ d’expérience. Les jeunes parents recherchent la compagnie d’autres jeunes parents, les aînés recherchent d’autres aînés, et les milieux professionnels se caractérisent souvent par une diversité générationnelle et culturelle limitée.

Dès que je suis arrivée à Trinity-St. Paul, j’ai pris conscience de la différence de ce centre communautaire. Des bébés étaient nourris par de jeunes mamans, la garderie était pleine d’enfants, de nombreuses personnes d’âge moyen ou avancé assistaient à des cours ou à des réunions, des adolescents jouaient au ballon chasseur. Ce n’est pas tout. Des groupes occupaient la place, comme Danser avec le Parkinson, les jeunes chanteurs de Viva, des mamans et des enfants japonais, des groupes Douze étapes et Community Living Toronto. Nous pouvions ainsi rencontrer toutes les couches de la société, tous les stades de la vie, tous les âges et tous les niveaux d’aptitudes, tout le temps.

Pour moi, c’était une toute nouvelle façon de considérer la communauté. C’était désordonné et c’était lent. Il fallait de la patience. J’ai dû apprendre à nouer des liens avec les gens là où ils en sont, tel qu’ils sont le mieux à même de s’exprimer. C’était et c’est toujours un glorieux face-à-face entre amateur et professionnel, entre expert et explorateur. Il y a des locataires qui, comme l’orchestre baroque Tafelmusik, ont une renommée mondiale et sont au sommet de leur profession. Dans la pièce à côté, un bambin jouant du tambour à tue-tête est là pour leur rappeler tout le cheminement qu’ils ont parcouru. L’enfant qui apprend à chanter avec la chorale Viva est encouragé à maîtriser son art en voyant répéter Brent Carver. À l’époque des médias sociaux favorisant le rapprochement entre pairs, où autrement rencontrons-nous souvent « l’autre » – ceux qui ne sont PAS comme nous? Les deux congrégations religieuses résidentes de l’immeuble sont d’éminents porte-étendards de la justice sociale et incitent à prendre conscience de notre devoir d’agir avec bonté, charité et bienveillance envers autrui, d’où qu’il vienne.

Sachant que Trinity-St. Paul est loin d’être la seule communauté religieuse à repousser ainsi les limites, j’ai commencé à explorer les autres dimensions qui apparaissent quand des immeubles religieux choisissent d’ouvrir leurs portes à la communauté dans toute sa diversité. L’effritement des effectifs des congrégations religieuses pose inévitablement un problème immobilier : il y a trop de place pour trop peu de fidèles. Tandis que les dirigeants religieux s’emploient à rétablir la pertinence de la foi dans cette époque, j’estimais avoir le devoir de partager et promouvoir cette vision où les immeubles religieux peuvent accueillir des groupes partageant des intérêts, vivant et grandissant ensemble.

Quand la Fondation George Cedric Metcalf a annoncé son programme de subventions Leading and Learning, j’ai demandé des fonds pour des voyages exploratoires afin de voir comment la grande communauté travaille aux côtés et au sein de communautés religieuses. Avec des représentants de l’organisme ArtsBuild Ontario et du Conseil des arts de Toronto, représentant moi-même à la fois Trinity-St. Paul et La foi et le bien commun (dont je suis une conseillère), je suis partie à la découverte de ce qui peut se faire et que nous pourrions reproduire à Toronto et au-delà. Nous avons visité des synagogues et des églises, des anciennes églises et des centres communautaires qui abritent diverses congrégations.

Dans les prochaines semaines, mes collègues et moi ferons le point sur de magnifiques récits d’autres groupes. Au printemps, nous présenterons un exposé public. J’espère que vous me parlerez aussi de lieux semblables que vous connaissez.

Bienvenue dans cette aventure. Bienvenue aux communions communautaires. Voyons voir ce qui en ressortira.

 

Photo : Gary Beecher, de l’orchestre baroque Tafelmusik, à l’église unie Trinity-St. Paul