Matt Somerville – Sauver la grange familiale
Les granges historiques sont un élément important de notre image collective du paysage rural du Canada. Pourtant, elles disparaissent à une vitesse alarmante, victimes des défis perturbateurs qui se posent à de nombreuses localités rurales.
Matt Somerville, de Port Perry (Ontario), connaît bien les difficultés qu’il faut affronter pour conserver d’importants aspects de notre patrimoine rural. Il travaille comme planificateur du patrimoine spécialisé dans les enjeux ruraux, et il est un fermier, s’efforçant de revitaliser sa ferme familiale en faisant preuve de créativité.
En tant qu’ancien urbaniste municipal et maintenant planificateur du patrimoine dirigeant sa propre entreprise – Somerville Planning –, il constate que les gens ne savent généralement pas que faire de structures rurales comme des granges. « À mesure que les villes grandissent et empiètent sur les fermes, il faut déjà se compter chanceux quand la maison de ferme est sauvée, dit-il. Mais ce n’est là qu’une partie de la ferme traditionnelle. »
L’étalement urbain n’est pas la seule menace planant sur les granges. L’évolution de la technologie agricole fait que ces structures sont de plus en plus obsolescentes pour l’élevage des animaux, le stockage de fourrage et même la protection du matériel.
« De nombreuses granges arrivent au terme de leur vie utile, et il est facile d’oublier que la détérioration fait son œuvre si une grange n’est pas utilisée, dit Matt Somerville. Si vous l’utilisez, vous remarquerez des problèmes comme un revêtement ou un plancher endommagé. Souvent, une intervention mineure suffit à éviter une dégradation rapide. »
Pour les particuliers et les organisations qui souhaiteraient voir les granges historiques préservées au nom de leur contribution au paysage, il y a de grands défis à relever.
« En comparaison des lieux de culte, soutient M. Somerville, il est plus difficile de convaincre qu’il faut sauver des granges, parce qu’il s’agit de biens privés. Les lieux de culte ont une fonction publique naturelle et un lien étroit à la communauté. » Les granges sont habituellement voisines de maisons privées, et isolées du public.
Les municipalités rurales sont déjà confrontées à une stagnation économique, un exode de la population et une infrastructure vieillissante. Elles ne sont guère tentées de mettre en place la réglementation et les mesures incitatives qui pourraient aider à endiguer les pertes, et elles ont peu de moyens pour le faire.
Les propriétaires privés qui veulent protéger leurs granges peuvent trouver de l’aide. M. Somerville siège au conseil d’administration de l’organisme Ontario Barn Preservation, qui a pour mission de fournir aux propriétaires une source d’information sur les granges – depuis un glossaire jusqu’à des stratégies pour explorer de nouvelles utilisations possibles. Le groupe s’emploie actuellement à préciser ses objectifs et à se constituer en société, mais M. Somerville est déjà optimiste.
Par ailleurs, il fait ce qu’il prêche : il a planté un verger sur sa ferme et il a créé une cidrerie – temporairement installée dans un immeuble en ville mais destinée à être exploitée sur sa ferme, où il y aura aussi un salon de dégustation. Il a également rénové la grange historique de sa ferme en 2014, pour son propre mariage. Aujourd’hui, la grange est un lieu de séjour estival. Elle est dotée d’un projecteur, d’un écran et d’un bar.
La remise en état de la grange a été assortie de difficultés particulières – en particulier pour assurer la conformité aux codes du bâtiment et de la prévention des incendies. Cependant, il a été possible d’assurer des équivalences par la conception minutieuse des améliorations.
M. Somerville fait partie d’une nouvelle génération d’agriculteurs conscients qu’il est possible de conserver l’essentiel d’une ferme et de l’utiliser pour pratiquer une agriculture à plus haute valeur ajoutée. Par exemple, des cultures spécialisées sont transformées sur place. Il y a aussi l’agriculture soutenue par la communauté (ASC), qui se répand : les membres de la communauté achètent des parts de la récolte d’un fermier; en retour, ils reçoivent des légumes frais (ou de la viande, du miel, du sirop d’érable, etc.) en saison.
« Souvent, les gens ne savent pas d’où vient leur nourriture, dit M. Somerville. Grâce à l’agriculture locale à haute valeur ajoutée, par exemple avec une cidrerie ou dans le modèle ASC, nous pouvons rapprocher le public de leurs sources d’aliments. Ce faisant, nous rendrons les régions rurales plus dynamiques et nous créerons de nouvelles possibilités de donner une nouvelle vie aux granges historiques. »