À la découverte du Canada à travers le patrimoine ferroviaire

Le Canada, c’est un pays immense, sauvage et magnifique, qui offre des paysages superbes où se mêlent la culture, les histoires et les traditions des peuples qui y vivent.

Même si des millions de Canadiens partent en vacances à l’étranger chaque année, la situation géopolitique incertaine et changeante de 2025 a incité beaucoup d’entre eux à rester au pays cet été, motivés par une fierté renouvelée pour le Canada et ce qui fait l’identité canadienne.

Les lieux historiques canadiens sont l’un des meilleurs moyens qui soient de découvrir le Canada, et rien ne vaut le patrimoine ferroviaire pour en apprécier toute la richesse.

Source d’inspiration derrière la grande histoire nationale du Canada, le chemin de fer constitue un lien unique avec les générations et les peuples qui nous ont précédés. C’est également un moyen incomparable pour explorer l’immensité du territoire et en contempler les paysages.  Les sites historiques, les musées, les voies ferrées préservées et les lignes encore en service retracent l’histoire du chemin de fer et donnent un aperçu de la façon dont nous avons façonné un pays au caractère distinctif, un pays qui nous ressemble.

 

Chemins de fer et identité nationale : construire, relier, réfléchir

Voiture interurbaine London and Port Stanley — Chemin de fer radial du comté de Halton.

En 1967, lors du centenaire de la Confédération canadienne, nous avons à nouveau tourné notre regard vers le passé pour mieux comprendre ce qui fait notre identité en tant que Canadiens.  La chanson « Canadian Railroad Trilogy », écrite et interprétée par Gordon Lightfoot, fut l’une des grandes manifestations créatives de cette année-là.

Elle commémore la construction du chemin de fer transcontinental national, qui relie les provinces canadiennes de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique. La chanson invite également à la réflexion, rendant hommage au travail acharné des « terrassiers », souvent originaires de Chine, qui travaillaient pour un dollar par jour dans des conditions souvent dangereuses afin de concrétiser le rêve national.

En 2025, notre vision de la construction des chemins de fer nous amène également à nous pencher sur ses répercussions dévastatrices sur les peuples autochtones, à savoir la dépossession de leurs terres, les difficultés économiques et les bouleversements culturels. Le Chemin de fer Canadien Pacifique (CPR) a favorisé une colonisation et un essor rapides, ce qui a bouleversé les modes de vie traditionnels et les territoires de chasse et contraint les peuples autochtones à s’installer dans des communautés dites « réserves ».

Dans l’ensemble, relier le Canada d’est en ouest grâce à un chemin de fer, par un peuple dont le principal moyen de transport terrestre était jusqu’alors le cheval et la calèche, demeure un exploit remarquable de notre histoire.  C’est ce qui a façonné une nation et rendu possible cette prospérité qui continue de nous être favorable à ce jour, pour prendre part à des actions humanitaires telles que le maintien de la paix et l’accès universel aux soins de santé, qui contribuent à rendre notre pays et notre monde meilleurs.

Au cours des 140 années qui se sont écoulées depuis que le dernier rail a été enfoncé sur la voie ferrée du Canadien Pacifique à Craigellachie, en Colombie-Britannique, la construction du chemin de fer transcontinental national fait partie des grands récits fondateurs du Canada. La traversée du Canada en train, de l’Atlantique au Pacifique, continue de s’imposer comme rite de passage incontournable pour les canadiens de souche comme pour les nouveaux arrivants.

 

D’un océan à l’autre : les sites du patrimoine ferroviaire du Canada

Le paysage des Prairies vu depuis le train Le Canadien de VIA Rail.

Le réseau ferroviaire voyageurs Via Rail, en particulier Le Canadien, qui relie Toronto à Vancouver, offre un point de vue unique et contemporain sur les paysages immenses et variés qui ont servi de théâtre à l’histoire du Canada depuis la nuit des temps. Cet itinéraire n’est rien de moins qu’une galerie d’art éphémère sur roues et un musée à la gloire de l’ingéniosité. Les voitures-lits, voitures-restaurants et voitures panoramiques aux lignes épurées, construites par la Budd Company pour le Canadien Pacifique en 1954, ajoutent à la sensation du voyage hors du temps et de l’espace. Qu’il s’agisse de sillonner les cols des Rocheuses à bord de la voiture Parc ou de se réveiller dans un wagon-lit pour admirer le lever du soleil sur les vastes prairies, l’expérience du voyageur ne peut que nourrir un lien profond avec ces terres, qui n’ont pas beaucoup changé ces 70 ou 100 dernières années. Impossible de ne pas se sentir d’autant plus Canadien à l’issue d’un périple entre Vancouver et Toronto, par voie terrestre et ferroviaire.

Paysage du Bouclier canadien vu depuis le train Le Canadien de VIA Rail, dans le nord-ouest de l’Ontario.

Depuis l’ouverture de la première ligne ferroviaire au Canada, le chemin de fer Champlain et Saint-Laurent au Québec en 1836, les chemins de fer ont eu une influence marquante sur la colonisation et le visage du Canada. Le Canada peut aujourd’hui se targuer d’un patrimoine ferroviaire riche et significatif, que l’on retrouve dans presque toutes les régions du pays.

À St. John’s, Terre-Neuve, le Railway Coastal Museum occupe l’ancien terminal ferroviaire historique de Terre-Neuve, un lieu historique national situé sur Water Street. On y trouve des objets qui racontent l’histoire du chemin de fer de Terre-Neuve, une ligne à voie étroite en service sur l’île de Terre-Neuve de 1898 à 1988.  Si l’époque du « Newfie Bullet » est révolue, la gare continue de servir au transport actif, puisqu’elle correspond au « kilomètre zéro » du Sentier transcanadien.

Même là où les chemins de fer ne pouvaient pas aller, les lignes ferroviaires permettaient souvent de faire le lien avec le transport maritime en reliant les ports et les installations portuaires, que ce soit les traversiers côtiers de Terre-Neuve, les bateaux à vapeur du fleuve Yukon ou les Empresses de la ligne du Canadien Pacifique.

Le Quai 21 à Halifax est peut-être le raccordement ferroviaire et maritime le plus célèbre du Canada. Initialement relié par une passerelle aérienne à la gare ferroviaire d’Halifax (1928) d’où le train « L’Océan » de VIA Rail part à destination de Montréal, le lieu historique national du Quai 21était autrefois un terminal pour paquebots et un hangar de l’immigration, par lequel près d’un million de nouveaux arrivants sont entrés au Canada entre 1928 et 1971 avant d’entreprendre leur deuxième voyage en train à travers le pays. Le quai a aussi été le point de départ de 496 000 soldats canadiens pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet ancien bureau de l’immigration, devant lequel est exposé une voiture à voyageurs vintage du CN, abrite aujourd’hui le Musée canadien de l’immigration, qui retrace les débuts de l’histoire de tant de Canadiens.

Le Quai 21, Halifax, Nouvelle-Écosse

Tout comme Terre-Neuve, l’Île-du-Prince-Édouard (IPE) disposait également de son propre chemin de fer insulaire, qui a fonctionné sans interruption de 1871 à 1989. Le chemin de fer a joué un rôle important dans le parcours du personnage fictif le plus célèbre de l’Île-du-Prince-Édouard, Anne… la maison aux pignons verts. La véritable gare qui a inspiré l’auteure Lucy Maud Montgomery se trouve à Kensington. Il s’agit d’une « gare en pierre » bâtie à partir de pierres locales, qui sert aujourd’hui de centre d’information touristique. Le patrimoine ferroviaire de l’Île-du-Prince-Édouard et ses célèbres ferries ferroviaires et passagers MV Abegweit, nommés d’après le mot mi’kmaq désignant l’île, sont également mis en valeur au musée ferroviaire d’Elmira, près d’East Point, à l’Île-du-Prince-Édouard.

La ville canadienne que l’on associe le plus au chemin de fer est Montréal. Le plus grand centre urbain du Québec a joué un rôle clé dans le développement du premier chemin de fer au Canada. C’était le siège social du Chemin de fer Canadien Pacifique et le siège des ateliers Angus du CPR, où étaient fabriqués les wagons, les trains de marchandises et les locomotives. Tout à fait à sa place, le Musée ferroviaire canadien, connu sous le nom d’« Expo Rail », est situé près de Montréal, à Saint-Constant, au Québec. Expo Rail détient la plus grande collection de matériel ferroviaire au Canada. Le musée exploite également une ligne de tramway qui permet de découvrir l’histoire du chemin de fer urbain de Montréal.

« Expo Rail », Musée ferroviaire canadien, Montréal, Québec.

La gare historique Union Station, inaugurée en 1927 et aujourd’hui classée site historique national, est le centre névralgique du réseau ferroviaire voyageurs de la région du Grand Toronto. La gare Union est le plus important et le plus fréquenté des centres de transport du Canada. Elle a récemment fait l’objet d’un projet de revitalisation de plusieurs millions de dollars mené par la ville. Les travaux ont permis de préserver et de mettre en valeur l’essentiel du caractère historique de la gare Union, notamment son célèbre Grand Hall, inspiré des anciens thermes romains de Caracalla, ainsi que d’innombrables détails issus de l’âge d’or du transport ferroviaire.

La Grande Salle de la gare Union de Toronto, Toronto (Ontario).

À quelques pas de la gare Union se trouve le lieu historique national de la Rotonde de la rue John, construit entre 1929 et 1931. Restaurée dans les années 1990, cette infrastructure ferroviaire emblématique abrite aujourd’hui le Musée ferroviaire de Toronto. Non loin de là se trouve l’un des monuments ferroviaires les plus évocateurs du Canada, le Mémorial des cheminots chinois. Bâti sous la forme d’un chevalet ferroviaire, le site commémore la contribution des ouvriers chinois à la construction du chemin de fer Canadien Pacifique.

Les chemins de fer de l’époque de la vapeur et les paysages pittoresques de l’Ouest canadien font partie de l’iconographie touristique des prémices du Canada. Aujourd’hui encore, c’est le cas du chemin de fer à vapeur de Kettle Valley, une ligne ferroviaire historique située près de Summerland, en Colombie-Britannique. Ce site, qui fait partie des lieux accessibles gratuitement aux membres de la Fiducie nationale, est desservi par un train à vapeur qui parcourt les 16 kilomètres de la ligne ferroviaire de Kettle Valley. Il s’agit d’une filiale de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, qui a exploité des trains dans le sud de la Colombie-Britannique de 1915 à 1961. Les visiteurs peuvent monter à bord d’un train tiré par une locomotive à vapeur de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique datant de 1912, qui traverse les vergers et les vignobles de la vallée de l’Okanagan, puis le pont à chevalets de Trout Creek, construit en 1913. Il est possible de faire de la randonnée sur les tronçons restants de l’ancienne voie ferrée, qui ont été convertis et constituent une partie du Sentier transcanadien.

En reconnaissance des territoires traditionnels sur lesquels sont situés les chemins de fer canadiens et des répercussions de l’arrivée du chemin de fer sur les peuples autochtones, plusieurs musées ferroviaires s’emploient activement à la mise en œuvre d’initiatives de réconciliation. Parmi ceux-ci, le Musée ferroviaire de Revelstoke, en Colombie-Britannique. Ce musée, où sont exposés des véhicules ferroviaires et divers objets, collabore activement avec l’Indigenous Friendship Society et présente les expositions à travers le regard des Premières Nations.

Musée de la véhicules ferroviaires de Moosonee.

Notre voyage à travers le patrimoine ferroviaire canadien touchant à sa fin sur la côte ouest, un nouveau musée ferroviaire voit le jour juste à l’extérieur de la communauté de Hope, en Colombie-Britannique, dans la gare historique de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada datant de 1916. Menacée de démolition, la communauté locale s’est mobilisée pour la sauver. Ce processus a permis de découvrir qu’en 1942, plus de 800 Canadiens d’origine japonaise ont traversé le quai de la gare pour se rendre dans les camps d’internement. En 2022, la gare a été rachetée et relocalisée par la Tashme Historical Society qui prévoit en faire un centre dynamique d’interprétation historique comprenant un musée, un centre d’accueil, un restaurant et des espaces de travail partagés. Le tout pour permettre aux visiteurs de mieux comprendre le rôle qu’elle a joué dans l’histoire des camps d’internement japonais. Tandis que la restauration est en cours, l’histoire de ce site ferroviaire historique est racontée au centre d’accueil Cascades and Canyons Visitor Centre à Hope.

 

Un voyage à travers le temps, la mémoire et le lieu

D’un océan à l’autre, et dans les territoires, l’histoire du chemin de fer est intrinsèquement liée à celle du Canada. Les chemins de fer ont joué un rôle prépondérant dans l’évolution de notre pays et dans l’affirmation de notre identité.

Ce n’est pas une surprise que le Canada ait un réseau important de sites et d’expériences ferroviaires d’intérêt patrimonial qui racontent nos nombreuses histoires. C’est un héritage commun qui se tisse entre nous, comme l’a fait Gordon Lightfoot avec sa trilogie sur les chemins de fer canadiens, un incontournable de toute liste de lecture estivale sur le patrimoine ferroviaire canadien.


Toutes les photos ont été fournies par l’auteur, Michael Seaman.