La Conférence annuelle Carol Sprachman présentée par la Fédération canadienne des amis des musées le 14 novembre 2024 à Montréal (Québec)

Extrait de la Conférence Sprachman, « La préservation du patrimoine: un mouvement de conservation pour le XXIe siècle », présentée par Mme Patricia Kell, directrice générale de la Fiducie nationale du Canada

Les lieux physiques — les bâtiments, les jardins, les sentiers forestiers — constituent les scènes de nos vies. Ces endroits nous tiennent à cœur, parce qu’ils donnent un sens à qui nous sommes, d’où nous venons, en plus de nous servir de points de départ pour notre avenir. Comme nous tous qui les habitons, ces espaces changent et évoluent constamment; alors même que nous « conservons » ces lieux, nous leur ajoutons une couche d’histoire et de sens qui nous est propre.

Et ainsi, le patrimoine vit. Il définit qui nous sommes en même temps que nous le façonnons suivant les souhaits que nous avons pour notre société. Le patrimoine n’est pas statique: c’est un processus dynamique qui répond à nos besoins et à nos désirs. La conservation est essentielle pour préserver et comprendre notre passé, mais aussi pour répondre à la réalité du monde contemporain.

La conservation patrimoniale va bien au-delà de ce que plusieurs croient. Il ne s’agit pas de mettre de magnifiques bâtiments sous une cloche de verre ou derrière une corde de velours; nous ne rendons service ni au patrimoine ni à la société en la limitant de la sorte. Cet article se penche sur les diverses manières par lesquelles la conservation produit de la valeur et du sens au Canada en 2024. Le patrimoine est une force dynamique qui reflète les changements sociaux, culturels et environnementaux contemporains. Sauver le passé a-t-il un sens, alors que la société fonce à toute vitesse dans le futur? En réalité, ces deux choses ne sont pas opposées, mais plutôt étroitement liées.

Aujourd’hui, le patrimoine bâti — qu’il conviendrait sans doute mieux d’appeler patrimoine basé sur le lieu — inclut des sites archéologiques et des paysages qui ne portent pas forcément de traces de créations humaines, mais qui revêtent néanmoins un sens vu l’usage qu’en a fait l’humain. Un lieu patrimonial (ce qui, pour moi, est la même chose qu’un lieu historique) est un lieu auquel les gens accordent de la valeur à cause de son usage (ou d’une association) antérieur et, souvent même, actuel. Ce patrimoine englobe des bâtiments et des paysages qui sont significatifs d’un point de vue culturel: ils sont inscrits dans notre mémoire commune et témoignent de compétences et de matériaux investis dans le passé. Le patrimoine est vaste et profond; il ne peut pas être circonscrit à une période arbitraire de 40 ou 50 ans.

Il est difficile d’avoir une vision globale des lieux patrimoniaux dans le Canada d’aujourd’hui. Il y a environ 15 millions de bâtiments au Canada, dont le dixième (ou 1,4 million) a été construit avant 1945. Le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux étant malheureusement incomplet, aucune source ne rassemble la totalité des sites qui ont reçu une désignation pour leur valeur historique. Leur nombre varie aussi en fonction des critères et de la manière d’interpréter les différences qui existent entre les mesures législatives relatives au patrimoine à travers le pays. Nous savons cependant qu’il existe entre 20 000 et 30 000 lieux patrimoniaux.

Nous savons également qu’il existe 436 sites historiques qui sont exploités à titre de musées; de plus, 324 musées se présentent comme étant des lieux historiques. 760 sites historiques sont donc voués à la préservation du passé et à l’éducation du public. 3 757 employés (à temps partiel ou plein) y travaillent; de façon surprenante, on y trouve huit fois plus de bénévoles que d’employés à plein temps (6 819). Il s’agit indéniablement d’un secteur d’activité qui dépend largement de l’énergie et de l’enthousiasme des bénévoles.

Au cours des dernières années, des défis importants sont apparus. Ces derniers menacent l’intégrité des systèmes de protection des lieux patrimoniaux qui ont été forgés pendant les cinq dernières décennies. Des facteurs tels que la crise du logement et la volonté d’augmenter la densité des villes font pression sur ce système, qui est souvent perçu comme allant à l’encontre du progrès et comme profitant d’abord aux riches. Le zonage de quartiers patrimoniaux a été revu pour permettre une densité supérieure; le gouvernement de l’Ontario a même déclaré que la Loi sur le patrimoine ne s’appliquerait pas à la Place Ontario, un site qui avait pourtant été désigné par arrêté. Les critiques relatives à l’histoire voulant que soit remplacée une vision du passé axée uniquement sur l’expérience coloniale européenne ou sur les contributions de « grands » hommes et qui attendent des institutions culturelles (y compris les sites historiques) qu’elles veillent à effectuer ce changement font elles-mêmes face à des critiques mordantes, se faisant taxer de wokisme et suscitant des inquiétudes quant à la réécriture de l’histoire.

Ces inquiétudes sont liées à des courants culturels et politiques plus vastes. Les lieux patrimoniaux ne sont pas à l’abri des critiques. En réalité, ils peinent fréquemment à gagner en popularité à titre de ce que Revenu Canada considère être des biens publics; ils sont plus souvent perçus comme des nuisances publiques et privées. Quels changements doit-on effectuer pour que la préservation de lieux anciens cesse d’évoquer un salon victorien poussiéreux et qu’elle soit plutôt perçue comme une contribution importante à la création de communautés que nous souhaitons voir émerger et dont nous avons besoin?

Quelle est l’importance de la conservation du patrimoine face à l’itinérance, l’épidémie d’opioïdes, l’inflation et la détérioration de la stabilité internationale?

En plus des valeurs traditionnellement associées à la conservation patrimoniale, cette dernière répond de diverses manières aux problèmes actuels. D’une façon qui lui est propre, elle peut rassembler les gens et les amener à avancer.

  • Le mouvement de conservation du patrimoine peut aider le processus de réconciliation
  • Le mouvement de conservation patrimoniale peut permettre des avancées en matière d’inclusion et d’antiracisme
  • La conservation du patrimoine cherche à répondre aux besoins des communautés d’aujourd’hui et non pas seulement à préserver ce qui existait dans le passé
  • La conservation du patrimoine vaut le coût

L’objectif de la conservation patrimoniale n’est pas absolu: chaque communauté peut tenir compte de ses valeurs et établir ses propres priorités. Cette grande adaptabilité constitue l’un de ses super pouvoirs. La conservation patrimoniale représente une action puissante pour soutenir les communautés par la protection, la préservation et la réhabilitation. Alors que nous cherchons des réponses aux enjeux pressants de notre époque, le patrimoine représente un pont entre les investissements du passé et un avenir meilleur. Voici la promesse d’un mouvement de conservation du patrimoine pour le XXIsiècle.

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