Marcher dans le passé de Winnipeg – 6 000 ans d’histoire en huit sites

Le commerce des céréales, les grèves et l’architecture extraordinaire : trois choses qui font maintenant la réputation de Winnipeg. Cependant, l’histoire de la ville va encore plus loin. Elle se manifeste dans les nombreux sites historiques encore debout. Découvrez le patrimoine de Winnipeg grâce à ces huit sites ancrés dans le passé parfois tumultueux de la ville.

1)     La Fourche et l’histoire des peuples autochtones

Crédit photo : The Forks Winnipeg

Les découvertes archéologiques qui ont été faites à La Fourche témoignent du long passé de ce qui est maintenant la ville de Winnipeg. Le site, dont le nom fait référence à la confluence « en fourche » des rivières Assiniboine et Rouge, est utilisé par l’homme depuis au moins 6 000 ans. Pour tirer parti de l’abondance d’esturgeons, de doré noir et de doré jaune dans les rivières, ainsi que de cerfs, d’élans et d’ours dans les forêts et les plaines, les peuples autochtones habitaient La fourche de façon saisonnière pour pêcher et chasser. Vers l’an 1000 av. J.-C., des groupes y campaient pendant de longues périodes afin de profiter de l’emplacement comme principale voie de transport et de commerce transcontinental. Les premiers habitants ont laissé derrière eux un foyer et des outils faits d’éclats de pierre et d’os de poisson-chat ainsi que des produits provenant d’aussi loin que le Texas et le lac Supérieur.

En 1738, les premiers Européens sont arrivés en canoë. Ils espéraient pouvoir échanger des fourrures et établirent un certain nombre de forts près de La Fourche en raison de son intérêt millénaire en tant que poste de traite autochtone. Les Européens ont tissé des liens solides avec l’Assiniboin en particulier, qui occupait alors le site. Ces derniers échangeaient leurs marchandises européennes usées contre des fourrures avec d’autres groupes autochtones et les vendaient ensuite aux Européens. Ils sont ainsi devenus des intermédiaires de la traite des fourrures. Le site est demeuré un véritable carrefour pour la traite des fourrures jusqu’à la fin des années 1800, lorsque la production céréalière est devenue le secteur industriel primaire de la région. Le site, qui abrite également un grand développement ferroviaire, a ensuite été surnommé la « porte d’entrée de l’Ouest canadien » vue son importance relativement à l’immigration dans et à travers la région.

Repère historique : Rendez-vous au bord de la Rivière Rouge et découvrez le site historique de Saint-Boniface, berceau de la communauté franco-manitobaine. À La Fourche, il y a de nombreux bâtiments historiques. Jetez un coup d’œil au marché de la ville : il occupe les anciennes écuries des chemins de fer du Grand Trunk Pacific, du Great Northern, et du terminal Johnston, qui était autrefois un entrepôt de chemin de fer.

2)     Industrie et lieu historique national du Quartier-de-la-Bourse

Crédit photo : Winnipeg Architecture Foundation

La fin des années 1800 marque l’épanouissement du secteur céréalier ainsi que du centre-ville de Winnipeg. Le Quartier-de-la-Bourse, nommé d’après la Bourse des céréales de Winnipeg, constituait le centre de l’industrie céréalière canadienne à son apogée. Entre 1881 et 1911, la population de la ville est passée de 25 000 à 135 000 habitants, devenant ainsi la troisième plus grande ville du pays après Montréal et Toronto. L’activité commerciale ayant ralenti lors des deux guerres mondiales, le développement s’est déplacé au sud du Quartier-de-la-Bourse.  La région est restée en grande partie intacte, ce qui en fait l’une des zones commerciales les mieux préservées du début du XXe siècle en Amérique du Nord. Reconnue comme un « décor vivant » dans l’industrie cinématographique, la région a été essentielle pour amener une production canadienne et américaine de 685 millions de dollars au Manitoba entre 2003 et 2008.

Repère historique : La plupart des grands entrepôts de la Bourse sont faits de poutres de bois et de murs de maçonnerie robustes et porteurs. En raison de sa croissance rapide, Winnipeg a souvent été surnommée le « Chicago du Nord », en l’honneur de sa rivale américaine vedette. Par conséquent, une grande partie de l’architecture de la rue principale est influencée par le « style de Chicago » : des gratte-ciels à la structure en acier et à murs-rideaux. À ce propos, ne passez pas sans vous arrêter devant l’Union Bank, le premier « gratte-ciel moderne » du Canada. L’Union Bank est maintenant occupée par le bureau du Red River College : Paterson Global Foods Institute.

3)     Saint-Boniface et les Franco-Canadiens

La cathédrale Saint-Boniface demeure l’église principale de l’archidiocèse catholique romain de Saint-Boniface et sert la communauté franco-manitobaine en particulier. Connu sous le nom de quartier de Saint-Boniface, le quartier accueille aujourd’hui des Franco-Manitobains et des Métis depuis 200 ans.

La traite des fourrures européennes a entraîné des mariages entre les Français et les peuples autochtones, ce qui a donné lieu à une descendance qu’on appelle les Métis. En tant que chasseurs et commerçants habiles, ce groupe a joué un rôle déterminant dans la traite des fourrures. Il a finalement acquis un sentiment d’identité en tant que groupe, tant politiquement qu’économiquement. En 1869, lorsque le gouvernement du Canada a acquis la terre qu’ils occupaient, les Métis ont uni leurs forces pour défendre leurs droits. Le politicien canadien et célèbre fondateur de la province du Manitoba, Louis Riel, a été le fer de lance de deux mouvements de résistance contre le gouvernement du Canada et John A. Macdonald, alors premier ministre. Il est ainsi devenu un héros pour les Canadiens français et les Métis devant l’ingérence d’un gouvernement fédéral anglophone. Allez vous balader dans le cimetière Saint-Boniface près de la cathédrale ; on y trouve la tombe de plusieurs figurants importants, dont Louis Riel.

Crédit photo : Winnipeg Architecture Foundation

 

Repère historique : Le développement urbain accéléré donne du fil à retordre aux bâtiments publics de Winnipeg qui peinent à suivre le rythme. La première église de l’Ouest canadien fut établie à Winnipeg, près de ce site, au début de 1818. Le siècle qui suivit, on reconstruit l’église quatre fois, chaque fois plus grande que la précédente. La dernière église a été achevée en 1905 ; on pouvait y accueillir plus de 2 000 personnes. Cependant, cette cathédrale a été en grande partie détruite par un incendie en 1968, ne laissant que les vestiges de la grande façade roman-byzantine derrière laquelle l’église d’aujourd’hui a été construite.

 

4)                 Statue de la grève générale de Winnipeg et politique ouvrière

Crédit photo : L.B. Foote collection – Archives of Manitoba

Malgré l’éclosion de grands immeubles à Winnipeg, les conditions de travail laissaient beaucoup à désirer pour les travailleurs. La Première Guerre mondiale a aggravé l’état de la classe ouvrière. Déjà défavorisée, elle dut composer avec les effets physiques et psychologiques de la guerre en plus des conditions de travail, de santé et de logement précaires. Les salaires ne pouvaient tout simplement pas suivre le coût de la vie, qui avait déjà augmenté de 64 % en 1913. Qui plus est, les soldats revenant d’outre-mer ont constaté que leurs employeurs avaient grandement profité de la guerre, ce qui empira les inégalités et la rancœur.

Après un an de tentatives de formation de syndicats ratées et inspirés par la révolution russe deux ans plus tôt, 30 000 travailleurs ont quitté leur emploi à 11 h du matin, le 15 mai 1919. La quasi-totalité des travailleurs de Winnipeg a fait et maintenu une grève ; ce qui allait devenir une affaire de six semaines et qui déclencha des grèves de solidarité partout au pays. Bien que le tout se soit soldé en un échec, et en quelques massacres, la grève a permis de mettre la table vers une amélioration des conditions de travail et la représentation syndicale de la classe ouvrière canadienne.

Repère historique : La tension a atteint des sommets le 21 juin 1919, lorsque des milliers de grévistes sont descendus dans les rues en cortège silencieux. On baptisa plus tard cet événement le « Samedi sanglant ». Ce qui a commencé par une manifestation pacifique s’est vite transformé en une fusillade policière ; un tramway a été sorti des rails et brièvement incendié. Plusieurs ont été tués et 80 personnes ont été arrêtées. La statue de tramway commémore le basculement de ce dernier : un moment charnière de la grève générale de Winnipeg.

 

5)     Le Royal Manitoba Theatre Centre et le modernisme

Photo crédit : Manitoba Theatre Centre

Winnipeg a été un lieu de renouveau important au cours de la seconde moitié du 20e siècle. Dans les années 1960, la ville célébrait la prospérité d’après-guerre tout en étant aux prises avec la décroissance du centre-ville. Comme pour de nombreuses villes de l’Amérique du Nord, l’industrie et le secteur manufacturier ont quitté la ville pour s’installer en banlieue, laissant les entrepôts jadis cruciaux de la ville dans la décrépitude. Avec les projets de rénovation urbaine qui impliquent des démolitions d’envergure dans les centres-villes du Canada, Winnipeg s’est lancée dans la démolition d’une grande partie du Quartier-de-la-Bourse Nord pour créer un nouveau centre municipal doté d’une architecture moderne remarquable datant du milieu du siècle : l’hôtel de ville, l’édifice de sécurité publique, la salle de spectacle, le musée du Manitoba et le Manitoba Theatre Centre.

Le brutalisme était l’un des styles du milieu du siècle adopté par Winnipeg. Ce style adopte l’esthétique robuste, brute ou inachevée de la maçonnerie, et qui célèbre particulièrement le ciment avec des coffrages de bois. Le Royal Manitoba Theatre Centre (RMTC), achevé en 1970, est un exemple du design brutaliste de la ville destiné à attirer les visiteurs en ville et à projeter le « progrès » et la modernité de la ville.

Repère historique : Le brutalisme regain en popularité dans le monde entier et le bâtiment du RMTC a été reconnu comme un patrimoine architectural d’importance nationale. Recherchez la plaque marron située à l’extérieur du bâtiment. Le site s’est vu décerner la désignation de lieu historique national en 2009 et une désignation royale de la reine Elizabeth II l’année suivante. En avril 2019, le National Trust et l’IRAC lui ont décerné le Prix du XXe siècle pour son architecture brutaliste.

 

6)     Le Millennium Centre et la préservation

Crédit photo : Heritage Winnipeg

Le renouveau urbain engendre souvent la controverse, comme ce fut le cas suite à sa diffusion dans Winnipeg. Le Millennium Centre, initialement la Banque Canadienne Impériale de Commerce, témoigne de la puissance des protestations du public devant les bulldozers. À la fin des années 1970, le mouvement moderniste de Winnipeg battait son plein et le Millennium Centre, un bâtiment de la banque Beaux-Arts de 1911, était sur son chemin. On a proposé de démolir le bâtiment et d’en faire un stationnement, ce qui a suscité l’indignation des défenseurs du patrimoine local. Le rassemblement de citoyens contrariés, résultat de la proposition de renversement, encouragea le mouvement de préservation du patrimoine à Winnipeg. On trouva un véritable chef de file en David McDowell (1938-2019), éducateur et activiste du patrimoine infatigable malheureusement décédé en juin dernier. Le conflit autour du Millennium Centre a conduit à la création de Heritage Winnipeg, par la ville de Winnipeg, la province du Manitoba et la Fiducie nationale du Canada (alors connue sous le nom de Fondation Héritage Canada). Heritage Winnipeg, un organisme sans but lucratif qui encourage la préservation du patrimoine architectural est maintenant propriétaire et exploitant du bâtiment.

Crédit photo : Winnipeg Architecture Foundation

 

Repère historique : Remarquez la façade du bâtiment. Du point de vue architectural, la structure est notable pour son comptoir bancaire en marbre et son dôme en verre. Elle est représentative de l’architecture luxueuse typique des banques de l’époque. C’est aussi la manifestation matérielle de l’esprit et de la détermination des citoyens de Winnipeg devant une transformation urbaine jugée excessive.

 

7)     Campus du Quartier-de-la-Bourse du Red River College et utilisation adaptative

Crédit photo : Red River College

Les défenseurs de la rénovation urbaine et de la préservation architecturale se sont affrontés à plusieurs reprises au cours de l’histoire de Winnipeg. Ces dernières années, le passé et le présent ont fait équipe pour donner lieu à des projets de réutilisation adaptative qui préservent le caractère de la ville tout en permettant un fonctionnement moderne. Le Campus du Quartier-de-la-Bourse du Red River College en est un exemple frappant, bien que controversé à l’époque de l’adaptation des monuments historiques en place. Le Centre Roblin, achevé en 2003, mêle un design historique et moderne tout en conservant les façades originales des bâtiments de 1880 ainsi que d’autres éléments originaux laissés par l’essor économique de Winnipeg. Le Centre de transport d’équipement lourd du campus s’est vu récompensé par une certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design). Il est l’un des premiers centres éducatifs au Manitoba à recevoir ce titre.

Repère historique : Recherchez les cages d’ascenseur et les coffres forts d’origine, maintenant dispersés autour des bâtiments. Remarquez tout particulièrement la salle du patrimoine, qui a servi de salle de réunion pour la Bourse des céréales au début des années 1900. Lors de la conception de cette pièce, chaque morceau de bois était numéroté afin d’être remplacé de façon exacte. La librairie se sert également du verre d’origine, des colonnes et des deux radiateurs d’origine installés à l’intérieur.

 

8)     Le Musée canadien des droits de la personne et nouvelles avenues

Crédit photo : Aaron Cohen/CMHR-MCDP

En 2003, 21 ans après la signature de la Charte canadienne des droits et libertés, le Musée canadien des droits de la personne a fait les gros titres pour la toute première fois. On l’annonça comme un projet conjoint des trois niveaux de gouvernement, du partenariat La Fourche/Portage-Nord et de la Fondation Asper. Le Musée des droits de la personne deviendrait ainsi le premier nouveau musée national depuis 1967 et le premier musée national en dehors de la capitale nationale. Il a été conçu par Antoine Predock, un architecte mexicain dont le projet a été choisi à l’aide d’un concours international.

L’architecture en spirale du bâtiment représente un parcours en montée ; la lutte pour les droits de l’homme pour tous. La conception inspirée par la nature est fondée sur quatre « racines » qui symbolisent la connexion de l’homme à la terre. La forme irrégulière et les matériaux de construction, y compris la pierre de basalte, l’albâtre et le calcaire, ont engendré des défis sans précédent lors de la construction. Cependant, le résultat déclenche une sérieuse réaction émotionnelle à propos du voyage vers le salut.

Repère historique : Parcourez le terrain du musée. Le site du nouveau bâtiment a une grande valeur archéologique et les fouilles qui ont été faites avant la construction ont permis de rassembler plus de 400 000 artefacts qui, selon les archéologues, remontent à 1100 apr. J.-C. Assistez à la Conférence de 2019 de la Fiducie nationale (17 au 19 octobre 2019) et bénéficiez d’un accès sans précédent aux galeries du musée lors de la cérémonie de clôture de la conférence.

La conférence de la Fiducie nationale, Le Patrimoine, Terrain fertile: catalyseur de changement, porteur d’authenticité  aura lieu à Winnipeg cette année. Joignez-vous à vous et explorez le pouvoir catalytique des lieux historiques. Pendant votre séjour à Winnipeg, découvrez l’histoire, la culture et l’esprit de la ville grâce à l’une des visites à pied ou en bus offertes pendant la conférence – du 17 au 19 octobre 2019.